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Les Derniers Valois
4 août 2018

Le roi adulte (1570-1574)


Portrait de Charles IX, roi de France, dessiné vers 1572 par Jean Decourt et aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France

Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)  Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)

Charles IX, BnFCharles IX, BnF

 

C'est le dernier portrait officiel de Charles IX avant son décès le 30 mai 1574.

Le dessin est parfois attribué à François Clouet 1. Mais l'historienne Alexandra Zvereva l'a identifié comme une oeuvre de Jean Decourt qui remplace François Clouet, comme nouveau portraitiste du roi 2.

Charles IX, Kunsthistorisches museumPortrait en pendentif de Charles IX, attribué à François Clouet, et conservé au Kunsthistorisches museum de Vienne

Source de l'image : Bridgeman Images (Vienne, Kunsthistorisches museum)

C'est une miniature peinte en médaillon dont la qualité picturale laisse à penser que son auteur est François Clouet. La réattribution du dessin original à Jean Decourt permet toutefois de le contester.

Tout aussi intéressant est l'écrin du pendentif ; la miniature est insérée dans un très bel ouvrage d'orfèvrerie réalisée par François Dujardin, représentant sur l'envers une allégorie du bon gouvernement. L'objet est exceptionnel par sa qualité3. Il a probablement été commandé par Catherine de Médicis. 

On sait d'après les documents d'archives, que la reine-mère passait des commandes régulières de bijoux à portrait, pour en faire des cadeaux aux membres de sa famille. Ce pendentif en serait l'un des rares témoins.

Charles IX, Galerie des OfficesCharles IX, the Royal Collection

Il existe deux autres miniatures en médaillon du roi Charles ; l'une est dans la collection royale britannique (ci-contre à gauche), l'autre est à la Galerie des Offices de Florence (ci-contre à droite). Malgré les différences vestimentaires, elles procèdent du même modèle que le pendentif de Vienne.

Source des images : (Royaume-Uni, The Royal Collection) ;  The Web Gallery of Art (Florence, galerie des Offices)

Charles_IX_BudapestLe portrait a fait l'objet d'une très belle peinture aujourd'hui conservée au musée des Beaux-Arts de Budapest (ci-contre à droite). Elle est attribuée à l'art de François Clouet mais la similarité avec le dessin de la BnF devrait plutôt la faire rattacher à l'oeuvre de Jean Decourt. L'habit du roi est décoré de galons faits de motifs en spirale qui se retrouvent sur le deuxième dessin de la BnF, marquant là un lien de parenté assez direct entre les deux oeuvres.

Charles_IX_legion-honneurLe portrait de Decourt a fait l'objet de plusieurs répliques dont l'une se trouve au musée de la Légion d'honneur à Paris (probable dépôt du musée du Louvre) (ci-contre).

Le vêtement est plus sobre et ne contient pas les motifs en spirale du tableau de Budapest.

 

Chalres_IX_live-auctionnersCharles IX, musée CondéCharles IX, Kunsthistorisches museum

Source des images : (Budapest, musée des Beaux-Arts) ; Alamy (Paris, musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie), voir la notice du musée du Louvre ; (Vienne, Kunsthistorisches museum) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; liveauctioneers.com

 

 

 

 

Ce nouveau portrait officiel va marquer l'iconographie post-mortem de Charles IX et servir de modèle à une importante série de portraits. La présentation qui est proposée ci-dessous regroupe différentes copies du XVIe et XVIIe siècles. Au fil du temps, le modèle original n'est plus respecté et on attife le roi d'une grande fraise qui n'est pas de son époque (3e ligne de portraits ci-dessous).

Charles IX, Kunsthistorisches museumCharles IX, collection privéeCharles IX, Christie's (vente de 2005)Source des images  (1ère ligne) :  Christie's (vente du 22 juin 2005 à Paris) ; Millon et associés (Collection privée) ; (Vienne, Kunsthistorisches museum)

 

 

 

Charles IX, collection privéeCharles IX, Château de BeauregardCharles IX_musee_GeneveSource des images  (1ère ligne) : (Ville de Genève, musée d'art et d'histoire) ; Site particulier (Château de Beauregard) ; Artnet (Collection privée)

 

 

 

Charles IXCarlo IX (Vente de 2020 chez Cambi)H4_Charles_IX_LouvreSource des images  (2e ligne) : (Paris, musée du Louvre) ; Christie's ; Cambi (Vente du 14 octobre 2020 à Gênes)

 

 

 

 

1570_Charles_IX_Bussy-Rabutin

Charles IX, collection privéeCharles IX, collection privéeSource des images  : Christie's (vente du 31 mars 2011, Paris) ; Artnet (Collection privée) ; Regards (Château de Bussy-Rabutin)

 

 

 

 

Charles IX, SuedePortrait équestre de Charles IX, conservé au musée national de Suède

Source de l'image : (Stockholm, musée national)

Ce très beau portrait du roi Charles, peint en miniature (28 x 23 cm), fait écho au portrait équestre du roi Henri III conservé par le musée Condé. Les deux oeuvres sont de taille identique et procèdent vraisemblablement du même atelier.

L'attribution du portrait à François Clouet par le musée national de Suède est sans doute une erreur. A la lumière des apports de la recherche (et en particulier des travaux d'Alexandra Zvereva), la juxtaposition des deux portraits équestres permet de le rattacher à la production de Jean Decourt et de mettre en valeur l'oeuvre de cet artiste encore très peu connu.

Tout comme le portrait équestre d'Henri III, celui de Charles IX reprend le portrait officiel établi pour lui par Jean Decourt. Sa qualité picturale permet d'y voir une oeuvre de l'artiste. Par ailleurs, la miniature n'est pas sans ressembler au portrait en pendentif du Kunshistorisches museum (voir le portrait plus haut).

 

Charles IX, musée CarnavaletPortrait en pied de Charles IX, d'après le dessin de Jean Decourt, et aujourd'hui exposé au musée Carnavalet

Source de l'image : (Paris, musée Carnavalet)

Ce tableau de grande taille (215 x 114 cm), représente le roi grandeur nature. Il reprend le dessin de Jean Decourt pour le visage et de façon quasi identique, la pose et le décor du portrait en pied issu de l'atelier de Clouet conservé à Vienne. Ce tableau reprend en effet l'encadrement du rideau vert, et la pose du modèle, la main posée sur le dos d'une chaise rouge.

L'oeuvre date des dernières années du règne de Charles IX, mais il pourrait s'agir de la copie tardive d'une oeuvre originale disparue. La taille de la fraise, plus grande que sur le dessin, appuie cette dernière hypothèse. Elle est représentée sans dentelle dans  une sobriété qui ne colle pas forcément avec l'apparat du décor et le reste du costume. La tête apparaît comme un collage sur le corps.

 

 

Charles-IX_NYPortrait en pied de Charles IX, d'après le dessin de Clouet

Source de l'image : Christie's (vente du 14 octobre 2020, à New York)

Cet autre portrait en pied est plus insolite, car il représente le roi dans un costume très moderne pour son époque. Le caractère bouffant des manches, le retroussement des hauts-de-chausses et l'apparition timide du panseron au niveau du bas ventre sont des marques de la mode de la deuxième moitié des années 1570. La couleur beige du collet et le collier à double rang rappellent les portraits de début de règne de Henri III (voir le portrait de Henri III d'après Jean Decourt et le portrait de François d'Anjou vers 1576)

Par conséquent, tous ces élements font penser à un portrait post-mortem du roi décédé en 1574.

Cette datation est confortée par le choix du modèle pour réaliser le visage. L'artiste n'a pas pris comme prototype le portrait de Jean Decourt, mais celui précédemment tiré par François Clouet (Cf. le portrait peint, conservé à Versailles). Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un tableau commandé par la reine Catherine, à partir de sa collection personnelle (des dessins de Clouet) ? Entre 1576 et 1578, la reine fit aménager dans son hôtel particulier une majestueuse galerie de peinture ornée des portraits en pied des membres de sa famille 4. Ce portrait de Charles IX, vêtu comme il est, pourrait très bien se raccorder à cette commande.

 

Charles IX et Elisabeth d'Autriche dans le livre d'heures de Catherine de Médicis, BnFPortrait de Charles IX et d'Elisabeth d'Autriche dans le livre d'heures de Catherine de Médicis

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Paris, Bibliothèque nationale de France)

Le roi et la reine portent la couronne royale. La coiffure d'Elisabeth et les cernes de Charles IX sont les marques d'un portrait réalisé en fin de règne, vers 1572-1574.

En dépit de ses 22 ans, le roi paraît vieux et usé, ce qu'il est à force de courir le gibier. Le roi dépense toute son énergie à la chasse. Les ambassadeurs qui ont laissé des descriptions du roi s'étonnent de voir ses traits se durcir. Le roi s'épuise à la chasse où il passe beaucoup de son temps.

Charles IX et Elisabeth d'AutricheLa BnF conserve également une estampe exceptionnelle de Marin Bonnemer, imprimeur de la rue Montorgueil à Paris 5, représentant le couple royal côte à côte.

Source de l'image : (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 

 

PortraCharles_IXits gravés de Charles IX, édités sous son règne

Charles_IX_pied

H5_Charles_IX_1571_BnFCharles_IX_1572_BnF

Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) .

Ce sont des portraits de dédicace, insérés dans des ouvrages publiés du vivant de Charles IX. L'image de gauche est le portrait inclus dans l'édition de La Franciade écrit par le poète Pierre de Ronsard. Elle apparaît également dans l'Histoire de France écrit par François de Belleforest, en tête du chapitre consacré à Charles IX (voir Gallica) 6.

Ce sont des gravures sur bois, ce qui explique la grosseur et la simplicité des traits.

 

 
Charles_IX_Thomas_de_Leu_v1_BnFPortrait de Charles IX, gravé au burin par Thomas de Leu d'après le dessin de Jean Decourt

Les portraits post-mortem de Charles IX, diffusés par l'estampe sous Henri III et Henri IV, reprennent le portrait de Jean Decourt. C'est ce prototype qui est ensuite recopiée, souvent bien médiocrement, au XVIIe et XVIIIe siècles.

Une estampe se distingue parmi toutes, c'est celle fixée au burin par Thomas de Leu (ci-contre). L'image est fidèle au portrait de Jean Decourt, à l'exception d'une seule chose : la représentation de la fraise, qui est plus large, conformément à la mode sous Henri III.

Charles_IX_BnF_nerlandaisCharles IXCe portrait très délicat dans son exécution a certainement du avoir son petit succès car il en existe des variantes. L'exemplaire imprimé de la BnF (ci-contre à gauche) est différent de celui conservé par le British museum ; pour répondre à la demande, l'artiste a probablement du en faire plusieurs versions. Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ou (Londres, British museum) ;  Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France).

Les gravures éditées par la suite reprennent la gravure de Thomas de Leu, sinon le dessin de Jean Decourt. Le rendu du visage est rarement d'une grande fidélité.

Charles_IX_thevetCharles IXCharles_IX_Leu_RabelCharles_GourdelleSource des images : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ou (Londres, British museum) ; (Vienne, Osterreichische nationalbibliothek) ; (Vienne, Osterreichische nationalbibliothek) ; (Londres, British museum) ou (Vienne, Osterreichische nationalbibliothek)

 


Notes

1. C'est le choix fait par la BnF, dans le catalogue d'exposition sur les dessins de la Renaissance, édité en 2004. Cf la notice consacrée à ce dessin sur le site de l'exposition Dessins de la Renaissance, Collections de la BnF (exposition du 24 février au 4 avril 2004, à Paris, galerie Mazarine, site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France).

2. Alexandra ZVEREVA, Le Cabinet des Clouet au château de Chantilly, Nicolas Chaudun, 2011, pp. 28-29.

3. Diana SCARISBRICK, Bijoux à portrait. Camées, médailles et miniatures des Médicis aux Romanov, Thames & Hudson, 2011, pp. 54-55.

5. Voir le portrait en pied de Claude de France, et A. ZVEREVA, La galerie de portraits de l’hôtel de la Reine (hôtel de Soissons), in "Bulletin monumental", tome 166-1, 2008, pp. 33-41 (en ligne sur Persée).

5. Séverine LEPAPE, Gravures de la rue Montorgueil, BnF Éditions, 2016

6.François de Belleforest, Les grandes annales et histoire générale de France, dès la venue des Francs en Gaule jusques au règne du roy très-chrestien Henry III, Tome 2, 1579.

Article modifié le 07/05/2020

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