Les portraits de Charles IX (1550-1574)
Roi de France à l'âge de 10 ans, Charles IX a eu le malheur de devenir le souverain d'un royaume en déliquescence, pris en otage et mis en ruine par les factieux et les fanatiques. Les guerres de religion étaient inévitables et le pauvre enfant n'y pouvait rien, pas plus qu'il ne pouvait empêcher les atrocités commises durant la nuit du 24 août 1572 et les jours suivants.
Dans le sujet qui nous concerne, le fait que Charles IX soit devenu roi très jeune est une chance, car il existe de lui des portraits à toutes les étapes de sa vie. Cette galerie de portraits permet de le voir évoluer, grandir, prendre de la barbe et vieillir prématurément.
Le duc d'Orléans
Portraits de Charles-Maximilien réalisés vers 1551 et 1552
Charles-Maximilien est le troisième fils d'Henri II et de Catherine de Médicis.
Ce sont les inscriptions sur les dessins qui permettent d'identifier les portraits. Il peut s'agir d'une erreur mais on dit que c'est Catherine de Médicis elle-même ou l'un de ses secrétaires qui annotaient les dessins. La reine les commandait pour s'assurer de la bonne santé de ses enfants (pour plus de détail, voir A. Zvereva, Les Clouet de Catherine de Médicis, Somogy, 2002).
Source : Moreau-Nélaton, Le portrait ... (Florence, musée des Offices) ; Rmn (Chantilly, musée Condé)
Il existe à Chantilly un tableau qui offre une image similaire au dessin de Chantilly. Le portrait n'est pas identifié, mais on pense qu'il s'agit aussi du petit prince Charles.
Comme sur le précèdent portrait, l'enfant porte sur la tête le béguin et la toque, et autour du cou un collier. Mais tandis que sur le dessin, il tient dans ses mains des fleurs et une raquette, évocation du jeu de paume qui faisait fureur à l'époque, sur la peinture, l'enfant joue avec un petit chat.
Source : Base Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait de Charles-Maximilien
Ce portrait n'est guère plus tardif que les précédents. On retrouve le petit prince avec la toque et le béguin. Il porte un col blanc rabattu sur un col de fourrure.
Il en existe une copie de seconde main à la BnF.
Source : (Londres, British museum)
Portrait de Charles-Maximilien
C'est un dessin beaucoup plus tardif puisque le jeune prince ne porte plus son béguin. Il a quitté sa petite enfance.
L'enfant roi (1560)
Portraits du roi Charles IX, peint et dessiné à son avènement par François Clouet en 1561, aujourd'hui respectivement conservés au Kunsthistorisches museum et à la Bibliothèque nationale de France
Source des images : (Vienne, Kunsthistorisches museum) ; (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Le petit duc d'Orléans succède à son frère François comme roi de France le 5 décembre 1560. Il n'a que 10 ans seulement et pourtant il est maintenant l'un des plus grands princes de la Chrétienté.
Son avènement est évidemment l'occasion pour Catherine de Médicis de faire tirer un nouveau portrait au jeune prince, par François Clouet.
Le roi étant mineur, le gouvernement est confié à un conseil de régence. Il est dominé par la reine-mère Catherine de Médicis, personnalité politique en vogue depuis qu'elle a pris la tête du parti de la tolérance. La reine-mère entend maintenir le royaume en paix et multiplie les tractations pour raccommoder un pays en train de se déchirer pour des querelles politico-religieuses.
Pour diffuser l'image du roi, un très grand nombre de portraits ont été peints. Le plus beau conservé aujourd'hui est celui du Kunsthistorisches museum à Vienne. Ce portrait va servir de modèle à un très grand nombre de copies de plus ou moins bonne qualité. Il n'est pas impossible que certaines d'entre elles soient du XVIIe siècle. En voici quelques unes qui sont aujourd'hui dispersées dans les collections du monde entier :
Source des images : (New York, The Metropolitan museum of art) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Scalarchives (Versailles, musée du château) ; (Royaume-Uni, The royal collection) ; Base Joconde (Angers, musée des Beaux-arts)
Portrait de Charles IX dont la récente apparition sur le marché de l'art permet de remettre en cause l'identité d'un tableau conservé par le musée Condé traditionnellement identifié à François II.
Le tableau a été vendu chez Christie's en 2009. Il a pour modèle l'oeuvre de François Clouet. Il se différencie du beau portrait peint de Vienne par la couleur de son fond bleu, le cadrage qui est plus large au niveau du buste, et un rendu du détail moins important. Néanmoins, l'enfant roi reste particulièrement reconnaissable.
Ce n'est pas le cas du portrait conservé à Chantilly (ci-dessous à gauche). La carnation est si faiblement rendu qu'on ne reconnaît pas d'emblée les traits de Charles IX. Cette faiblesse explique pourquoi pendant longtemps on y a vu à tort, les traits de François II. Avec le portrait de Christie's, celui de Chantilly prend désormais une tout autre signification ; la similitude de la pose, du costume et du costume, en fait une copie.
Par la couleur du fond, un autre portrait de Chantilly peut se rattacher à cette famille de portrait (portrait ci-contre à droite). Il représente Charles IX dans un cadrage élargi à la taille, la main au côté. La faible rendu de la carnation le rapproche de l'autre portrait de Chantilly.
A travers ces exemples, il est intéressant de voir combien les collections privées peuvent être enrichissantes pour comprendre les collections publiques et par la même occasion l'iconographie, l'art et les études historiques en général.
Source des images : Christie's (Vente du 29 janvier 2009 à New York) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait de Charles IX peint à son avènement par François Clouet et récemment vendu aux enchères chez Christie's
Source de l'image : Christie's (Vente du 8 décembre 2016 à Londres)
Ce portrait diffère de celui du Kunsthistorisches museum par l'absence de fourrure au niveau du col et des épaulettes. Son apparition dans une vente aux enchères permet de renouveler l'historique des portraits de Charles IX, en mettant à jour une nouvelle généalogie. Car ce tableau présente des points communs avec un portrait présent à la Pinacothèque Tosio Martinengo de Brescia et un autre qui a été récemment vendu aux enchères chez Artcurial (voir ci-dessous).
Le jeune garçon semble plus mature, comme pour donner plus de crédibilité à sa présence royale. Est-ce que la date de "1561" inscrite dans le coin supérieur droit est une mention du peintre, ou bien est-ce un ajout postérieur ?
Le portrait aurait pu être peint à l'issue de la première guerre de religion. Un évènement marquant pour le royaume et son roi aurait pu servir de prétexte à dresser et diffuser un portrait réactualisé de Charles IX : celui de la déclaration officielle de sa majorité, un évènement arrangé par Catherine de Médicis pour assoir la légitimité du pouvoir royal et imposer la paix du roi, après une année de guerre fraticide dévastatrice.
Source des images de gauche à droite : Wikimedia Common (Metz, musée de la Cour d'or) ; (Brescia, Musei Civici di Arte e Storia - Pinacoteca Tosio Martinengo) ; Artcurial (Vente du 21 mars 2018) ; Sotheby's (Vente du 28 janvier 2005 à New York)
Portrait du roi et de sa famille vers 1564.
Le roi est représenté au centre de sa fratrie, sa mère, la reine le tenant dans ses bras. Le tableau a été réalisé dans le contexte des guerres de religion. La première guerre vient de s'achever (1563), le roi a été déclaré majeur mais Catherine de Médicis continue de gouverner en son nom (voir le commentaire du tableau dans la partie Catherine de Médicis).
Du point de vue, du costume, ce tableau est également très intéressant. Le costume du roi n'est guère différent des précèdents, sauf que la fraise déborde du col. Ce tableau est riche a bien des égards. D'une part, il est rare d'avoir des portraits en pied. C'est un genre qui est apparu tardivement en France. Deuxièmement, c'est un portrait de groupe, ce qui constitue une véritable exception. C'est d'ailleurs à ma connaissance, le seul portrait de groupe de la famille royale qui existe pour les derniers Valois.
Source (L. Dimier, Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, G. Van Oest, 1924)
Portrait de Charles IX vers 1564
Source : The Bridgeman Art Libray (collection privée)
Portrait de Charles IX sur un très beau dessin réalisé par François Clouet et conservé aujourd'hui au musée de l'Ermitage en Russie
Le portrait est daté de 1566, ce qui correspond assez bien au costume et à l'âge du modèle (16 ans). Charles IX porte une toque emplumée, une fraise et le collier de l'ordre de Saint-Michel.
En 1566, le roi est à Moulins, terminus du grand voyage. Il va y rester pendant plusieurs mois, le temps pour son conseil de préparer plusieurs grandes réformes. Le royaume continue d'être en paix.
A la même époque la Flandre est en proie à la crise religieuse, et les violences iconoclastes vont attiser de nouveau les passions et relancer une nouvelle guerre de religion.
Source : (Saint Petersbourg, musée de l'Ermitage)
La BnF possède une réplique du dessin de Clouet. Le cadrage est resserré sur le visage et le roi porte des petits poils de barbe plus développés.
Le dessin de l'Ermitage va servir à diffuser une nouvelle série de portraits officiels :
Portrait en pied de Charles IX conservé à la fondation Bemberg à Toulouse
La fondation Bemberg a la chance de posséder le portrait peint du dessin conservé à Saint-Petersbourg.
Pour mettre en scène le personnage et rendre le tableau plus vivant, le peintre a fait apparaître les mains du personnage, derrière un rebord peint en trompe-l'oeil. C'est une tradition de représentation qui prend ses sources dans le grand portrait de François Ier du Louvre.
Source : (Toulouse, Fondation Bemberg)
Il existe au musée Condé une variante de moins bonne qualité (la carnation est moins bien rendue). On remarquera aussi que ni le collier, ni les motif du costume ne sont identiques aux deux tableaux.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait en pied de Charles IX conservé au Kunsthistorisches museum
Source de l'image : (Vienne, Kunsthistorisches museum)
Il s'agit d'un très grand et beau tableau, de taille grandeur nature. Il présente une grande richesse dans les détails du costume. On remarquera ici la grosseur des hauts-de-chausses qui atteignent leur taille maximale dans la seconde moitié des années 1560.
La mauvaise qualité de la reproduction photographique a l'avantage de nous permettre de distinguer les différentes interventions faites sur le tableau. Le visage n'a pas le même traitement que le costume. Il s'agit probablement de deux peintres différents qui y ont travaillé. Il était fréquent pour un artiste de faire réaliser son tableau par plusieurs de ses élèves (Biblio. E.Jollet).
Il existe deux répliques du grand tableau de Vienne. Leur qualité inférieure s'explique par leur petite taille. Ces deux tableaux ne dépassent pas les 30 cm.
Source des images : Agence photographique de la Rmn (Paris, musée du Louvre) , Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait de Charles IX vers 1570
C'est un portrait qui a toujours pour modèle le dessin de l'Ermitage. La différence se situe dans les poils de la barbe et de la moustache beaucoup plus développés. Le costume a également changé. Il est certes plus simple (petit collier et pourpoint blanc assez sobre en comparaison des portraits précédents), mais le changment se situe surtout dans la fraise et le chapeau qui ont pris du volume.
Ce portrait doit probablement dater de la troisième guerre de religion. A l'occasion des victoires de Jarnac et de Moncontour (1569) ? à l'occasion de la paix de Saint-Germain-en-Laye (1570) ? à l'occasion de son mariage ?
Source: Rmn (Chantilly, musée Condé)
La paix de Saint Germain (1570)
Portraits de Charles IX, réalisé vers 1570
L'année 1570 ouvre une ère de paix pour le royaume. Avec l'édit de Saint-Germain-en-Laye, Charles IX met fin à trois années de guerre civile. Il se réconcilie avec ses sujets protestants et le royaume retrouve un semblant de tranquillité. C'est le moment choisi par le roi pour se marier avec Elisabeth d'Autriche, la fille de l'empereur Maximilien.
En mars 1571, Charles IX et son épouse font leur royale entrée à Paris. Comme le veut l'esprit des Valois, la cérémonie se déroule avec beaucoup de pompe. Peut-être le dessin a t-il été conçu pour l'occasion ? Dans tous les cas, il a été réalisé à l'époque de la paix.
Source : (Paris, Bnf) ; (Paris, BnF)
On remarquera le vieillissement prématuré du jeune roi qui a davantage l'aspect d'un homme de 30 ans que d'un homme de 20 ans. Les ambassadeurs qui ont laissé des descriptions du roi s'étonnent de voir ses paupières s'alourdir. Le roi s'épuise à la chasse où il passe la plupart de son temps.
Le nouveau portrait du roi va servir de modèle à une très importante série de portraits dont voici des exemples. Le plus beau est celui aujourd'hui exposé au musée de la Légion d'honneur à Paris (autrefois au Louvre) et qui serait le pendant d'un portrait de la reine Elisabeth (très mauvaise reproduction à droite).
Source des images (1ère ligne) : Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; (Florence, palais Pitti) ; (Vienne, Kunsthistorisches museum) ; (Vienne, Kunsthistorisches museum);
Source des images (2ème ligne) : Christie's (vente du 22 juin 2005 à Paris) ; Millon et associés (Collection privée) ; Source : site particulier (Vienne, Kunsthistorisches museum) ; Artnet (Collection privée) ; Artnet (Collection privée)
Source des images (3ème ligne) : site particulier (Château de Beauregard) ; Artnet (Collection privée).
Portrait de Charles IX, réalisé vers 1570, conservé dans les collection du château de Versailles
Source de l'image : Agence photographique de la Rmn (Versailles, musée national)
Portrait de Charles IX et d'Elisabeth d'Autriche dans le livre d'heures de Catherine de Médicis
Le roi et la reine portent la couronne royale. La coiffure d'Elisabeth et les yeux cernés de Charles sont les marques d'un portrait réalisé en fin de règne, vers 1572-1574.
En dépit de ses 22 ans, le roi paraît vieux et usé, ce qu'il est à force de courir le gibier.
Vers une monarchie absolue ?
Fresque de la sala regia au Vatican, peinte par Giorgo Vasari et représentant Charles IX devant son parlement brandissant l'épée de la victoire.
L'évènement majeur du règne de Charles IX est évidemment le massacre de la Saint Barthélemy qui s'était répandu contre la volonté royale dans plusieurs villes de France et durant plusieurs semaines. Il fallut bien expliquer pourquoi le gouvernement avait décidé d'exécuter les chefs huguenots et c'est pour cette raison que le roi se déplaça au parlement le 26 août 1572.
Pour l'Eglise romaine, cet évènement est considéré comme une victoire sur l'hérésie et le pape commanda la même année à Vasari une fresque qui en garderait la mémoire.
Sur l'une des fresques (ci-contre), on voit le roi accompagné à sa droite, du duc d'Anjou et du duc d'Alençon, ses frères (autre image).
Source : I.Cloulas, Catherine de Médicis : La passion du pouvoir, Paris, Tallendier, 1999, p.90
Allegorie de Charles IX en dieu Mars
Il s'agit d'une plaque en émail réalisé en 1573, par Léonard Limousin. Le thème de Mars, dieu de la guerre, est un thème prisé par la monarchie depuis la troisième guerre de religion. Le roi entend donner une image de lui plus viril, marquant là sa détermination à combattre les rebelles ennemis, ici les Huguenots (Henri IV reprendra le même thème face à la Ligue).
Les évènements de 1572 marque le début d'un renforcement du pouvoir royal. Décidé à ne plus se laisser dicter sa conduite par les partis, Charles IX s'investit désormais personnellement dans son gouvernement. Ce durcissement de la position royale débouchera sur le complot des "Malcontents".
Les portraits en pied
Portrait de Charles IX, réalisé par Léonard Limousin en 1573
La main gauche posée sur un casque de guerre, Charles IX est encore représenté sous les traits d'un chef de guerre.
C'est une très belle représentation du roi, en pied, à la fin de son règne.
Les deux portraits suivants reprennent le modèle du portrait en pied peint par Clouet, la main droite posée sur la chaise. Vu l'exécution et les costumes, il pourrait s'agir de copies, surtout le deuxième où Charles IX porte un haut-de-chausse bien moderne pour son époque. Peut-être, le tableau a t-il été peint au début du règne d'Henri III, ou au XIXe siècle; la tête est comme "collée" sur le costume.
Source (Paris, musée Carnavalet)
Source (collection privée)

Source : Base joconde (Chantilly, musée Condé)