Les erreurs d'interprétations iconographiques
L'objectif de ce blog est de reconstituer l'iconographie des derniers Valois. Par manque de connaissance sur l'évolution du costume, trop d'erreurs d'identification ont été commises. De nombreux portraits ont été mal interprétés, or l'étude du costume permet de dater un portrait avec précision. Encore aujourd'hui, on trouve fréquemment des erreurs dans les légendes.
Vous verrez qu'il faut très souvent remettre en cause l'interprétation traditionnelle des portraits. Il faut aussi se méfier des images qu'on trouve dans les livres d'histoire, même dans ceux qui sont de qualité et qui servent de référence. Les erreurs sont encore plus nombreuses sur internet. Même sur des sites de référence, il arrive de trouver des erreurs. On ne peut le leur reprocher. Le travail de catalogage est immense et on ne peut que saluer le travail d'inventaire réalisé par les musées.
Cette partie du blog est consacrée aux erreurs d'interprétation. C'est la seule partie qui fonctionnera vraiment comme un blog.
L'attention est donnée au costume, car c'est ce qui permet de dater et de confirmer l'identification.
En haut à gauche, portrait de Marie Stuart, personnellement recomposé à partir des éléments de costume de trois périodes différentes.
Le portrait à problème

L'erreur la plus frappante de ce portrait -et de surcroît la plus drôle-, c'est l'espèce de couche-culotte que porte le roi en guise de haut-de-chausse. C'est un vêtement qui n'existe pas au XVIe siècle et l'importance de cette erreur montre qu'il s'agit peut-être là d'un artiste du XIXe siècle, ayant mal interprété les portraits du XVIe.
Le problème de ce tableau c'est qu'il a probablement inspiré d'autres représentations. On retrouve notamment l'espèce de couche-culotte dans une image de L'histoire du costume, (1861-1880), image de gauche.
On retrouve également sur d'autres images de Catherine de Médicis, le costume qu'elle porte sur le tableau d'Anet. Il s'agit d'une marlotte (type de manteau ouvert et composé de maheutres), mais existe-il un portrait du XVIe siècle qui représente Catherine de Médicis d'une manière semblable ? Devant l'incertitude, c'est une image à remettre en question.
Cette remise en question du portrait d'Anet montre à quel point il faut être vigilant à l'égard de l'iconographie du XIXe. En recopiant un portrait douteux, les dessinateurs ont véhiculé une image fausse d'Henri II et de Catherine de Médicis et surtout une grave erreur dans l'histoire du costume, malheureusement reproduite par des artistes contemporains qui prennent comme source des ouvrages désuets du XIXe siècle.
Le montage des portraits au XIXe siècle
Voici un exemple qui montre qu'il faut prendre avec beaucoup de prudence les portraits historiques du XIXe siècle.
Il s'agit d'un tableau appartenant à la galerie historique du château d'Eu, commandée par le roi Louis-Philippe (voir la notice sur la base Joconde). Le personnage est censé représenter le cardinal de Lorraine (celui assassiné à Blois en 1588 sur l'ordre d'Henri III). Mais en regardant l'habit, on constate que le personnage ne porte pas le costume pourpre des cardinaux.
En réalité, l'artiste a représenté le duc de Mayenne, le frère du cardinal en question. Il a peut-etre pris en modèle un portrait de Mayenne comme en possède le musée de Versailles, et pour lui donner un caractère ecclésiastique, il a simplement rajouté sur sa tête une calotte pourpre.
Manquait-il un modèle à l'artiste ? c'est possible. Il existe pourtant un très beau portrait du cardinal de Lorraine à l'hôtel de Soubise à Paris.
Il existe également au château de Blois un tableau où sont représentés les trois frères Guise (ci-dessous) : Charles duc de Mayenne, Henri duc de Guise et Louis cardinal de Lorraine. L'artiste a donc repris les traits de celui qui se trouve à gauche pour représenter celui qui se trouve à droite. Curieux, non ?
La remise en question d'un prétendu portrait de Jeanne d'Albret
Il existe au musée Condé à Chantilly un portrait de Jeanne d'Albret, reine de Navarre dont l'identification mérite d'être réétudiée.
Le portrait représente une dame probablement mariée, âgée de 35 à 45 ans. C'est une femme d'un important lignage appartenant vraisemblablement à la cour de France. La coiffure appartient aux années 1560 mais la collerette appartient davantage à la première moitié des années 1570.
Or cette description peut difficilement désigner la reine de Navarre.
* En 1570, Jeanne d'Albret est veuve depuis huit ans. Ses portraits la représentent en noir portant le voile et le chaperon noir, ce qui n'est pas le cas ici.
* Deuxièmement, la femme représentée ici est assez loin d'être la protestante puritaine que fut Jeanne d'Albret. Le portrait représente davantage une femme de la cour habillée à la mode du temps.
* Troisièmement, le portrait ne ressemble pas à Jeanne d'Albret. La dame n'a ni son nez prédominant, ni ses petits sourcils droits et rectilignes. Son visage est moins allongé que celui de Jeanne d'Albret.
Du costume au visage, je ne vois rien qui puisse être rapproché du portrait de Chantilly.
Alors qui est donc cette dame ? Je propose de donner un nom : Diane de France, fille illégitime de Henri II.
Sur un portrait plus tardif, datée d'environ 1577, Diane est représentée avec des traits assez semblables à ceux de la dame de Chantilly, mais en plus accentués.
Il reste à confirmer la chose.
Erreurs en série sur François d'Alençon
Il existe un certain nombre de faux portraits de François d'Alençon, c'est-à-dire des portraits qui représentent une autre personne que lui, mais identifiée à lui par erreur. C'est le cas de ceux-là.
Le premier portrait représente un homme portant un costume du milieu des années 1560. Non seulement, il possède des traits physiques très éloignés de ceux d'Alençon mais en plus à cette date le prince n'est encore qu'un enfant.
Même remarque pour les deux autres qui m'ont l'air d'être deux personnages identiques, mais les costumes qu'ils portent, n'appartiennent pas à l'époque de François d'Alençon.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Ce portrait-ci est l'oeuvre de Corneille de Lyon. Il représente un homme du règne de François Ier ou d'Henri II. En aucun cas, il ne peut s'agir de François d'Alençon. Outre le costume d'une autre époque, les traits du visage sont très éloignés de ceux du prince.
Cet autre portrait est également censé représenter François d'Alençon. Le costume correspond parfaitement au modèle, mais les traits du visage sont-ils ceux de François ? Personnellement, j'en doute.
A confirmer.
Peut-être faut-il rapprocher ce tableau des portraits allemands car le collier qu'on aperçoit, est le genre de collier porté outre-Rhin.
Identification d'un portrait qui pourrait être Marguerite de Valois

C'est un dessin qui se trouve à la BnF et qui représente une jeune fille habillée dans un costume des années 1560. Traditionnellement, il est suposé représenter Elisabeth de France, fille d'Henri II et reine d'Espagne. Or la comparaison avec d'autres portraits rend cette attribution impossible. La jeune femme représentée lui ressemble assez peu. En outre, chronologiquement, Elisabeth devait être déjà en Espagne quand ce portrait a été tiré.
Vu l'âge du modèle, je propose d'y voir Marguerite de Valois.
Si on fait une comparaison avec d'autres portraits de Marguerite, on s'aperçoit qu'on retrouve le même nez, la même bouille, les mêmes yeux, etc.
Est-ce donc Marguerite de Valois ? Je serais tenté de dire oui.
Mais alors quelle date lui donner ? 1565 ? Marguerite aurait douze ans environ.
Remise en question d’un portrait identifié à 'Elisabeth de France
C'est le portrait d'une jeune femme que la BnF identifie traditionnellement comme étant Elisabeth de France.
Or, si on compare ce portrait aux autres portraits d'Elisabeth, on s'aperçoit très bien, que cette jeune femme n'a rien de commun avec Elisabeth.
Ce portrait a été tiré à la cour de France, dans le courant des années 1560. A l'observation du costume, entre 1565 et 1570. Il peut difficilement représenter Elisabeth, vivant à cette date en Espagne.
Si ce n'est pas Elisabeth, qui cela peut-il être ? L'une de ses soeurs ? Non, même pas. La jeune fille ne ressemble ni à Claude, ni à Marguerite. Elle présente des traits beaucoup trop fins pour être l'une des filles de Catherine de Médicis.
Une femme de la cour mais laquelle ?
La comparaison ne laisse planer aucun doute.
Erreur malheureuse sur Marie Stuart
Portrait de Louise Marguerite de Lorraine, princesse de Conti (1588-1631)
Il s'agit de la fille du duc de Guise assassiné sur l'ordre d'Henri III. Louise-Marguerite avait épousé en 1605 le prince de Conti, cousin du roi Henri IV. Sur ce tableau, elle est représentée en tant que princesse de la maison de France. Elle porte une coiffure et un costume des années 1600. Il n'y a donc strictement aucun rapport avec la reine d'Ecosse, Marie Stuart.
Cependant, au XIX siècle, ce portrait est malencontreusement identifié à elle. C'est malheureux car cette erreur sera plusieurs fois recopiée et va donner naissance à une nouvelle iconographie de la reine d'Ecosse.
Les portraits ci-contre et ci-dessous ont été identifiés sous le titre de Marie Stuart.
Ces erreurs ne sont pas sans rappeler l'anachronisme des portraits de la reine Margot véhiculés par le XIXe siècle. Finalement, pour les artistes romantiques, il importe peu de retranscrire la vérité, du moment que les portraits fassent style renaissance et que ces dames soient jeunes et jolies.
Source : Rmn (Chantilly, Musée Condé)
Source : Rmn (Versailles, Musée du château)
Le montage des portraits au XIXe siècle (2)

La tête correspond au portrait du roi des années 1570, tandisque le vêtement correspond au portrait en pied du Louvre daté de 1566. Ce montage aurait pu passer inaperçu si l'artiste avait pris soin de coordonner le positionnement du corps. La tête est tournée à gauche et le corps à droite; ce qui donne un effet de collage qui nuit à la crédibilité du portrait.
Source : Base joconde (Château d'Eu)
Identification douteuse (4)
Voici un portrait que le site des Arts graphiques du Louvre identifie à Charles IX. Personnellement, je vois plutôt mal la ressemblance, notamment au niveau du nez. Le personnage a une tête beaucoup trop carrée. De plus, il est un peu trop âgé pour la date qui est donné au bas du dessin.