Quelques exemples sur le marché de l'art
Le marché de l'art n'échappe pas aux erreurs d'identification. Il suffit qu'un homme soit peint à la mode de Charles IX pour qu'il soit aussitôt identifié au roi. C'est le cas de ce très beau portrait (ci-contre) présenté pour être celui du jeune souverain. L'existence d'une copie dans les collections autrichiennes (ci-dessous) nous permet de proposer une identification plus certaine : Charles de Téligny.
Téligny était le gendre de l'amiral de Coligny. A l'issue de la troisième guerre de religion, il était employé par son beau-père pour négocier la paix avec la couronne. Téligny faisait partie de ces protestants qui poussaient Coligny à faire confiance au roi et à monter à la cour. Il fut massacré durant la Saint-Barthélemy.
Source : Artvalue (Drouot/juin 2000)
Source : (Vienne, Kunsthistorisches museum)
Le portrait suivant (ci-contre) a également été transmis par le passé comme représentant le jeune roi Charles.
Il est encore plus facile de corriger l'erreur d'identification, car les collections publiques possèdent plusieurs exemplaires de ce portrait. Le British museum en possède même le dessin original. Il s'agit de Jacques de Savoie, duc de Nemours.
Le duc de Nemours était un prince de la maison de Savoie et un parent de la famille royale. Fortement lié aux Guise, il combattait dans le camp catholique pendant les guerres civiles. Il nous est surtout connu pour la réputation de son charme et le couple glamour qu'il forma avec Anne d'Este.
Source : Artvalue (Palais Dorotheum/mars 2001)
Source : (Londres, British museum) ; Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Rmn (Chantilly, musée Condé)
Je profite de l'évocation de l'iconographie de ce personnage pour mentionner l'erreur dans l'identification d'un petit portrait équestre exposé aujourd'hui au musée Condé (ci-contre). Je l'avais moi-même présenté sur ce blog comme étant le duc d'Anjou (je l'ai retiré depuis), mais Alexandra Zvereva l'a - avec raison - identifié au duc de Nemours1. A y regarder de près2, le visage du portrait équestre reprend les traits de Nemours dans son tableau de Chantilly (ci-dessus).
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Je terminerai cet article par mentionner ce portrait présumé du roi Henri II (ci-contre). Là encore, il en existe plusieurs portraits semblables qui permettent de corriger avec évidence son identification.
Le portrait représente en réalité l'un des plus importants familiers du roi : François de Lorraine, duc de Guise.
François de Lorraine était le premier époux d'Anne d'Este. Il fut un des piliers de la cour au commencement des guerres de religion. Du fait de sa célébrité et de la grandeur de sa maison, de nombreuses copies ont été faites de ses portraits. Il ne serait pas étonnant qu'elles aient eu parfois la valeur d'icône du fait de la réputation du prince après son assassinat par un protestant en 1563. Son image ne doit pas être confondue avec celle de son fils, Henri de Guise lui aussi assassiné et lui aussi entouré d'un aura de prestige.
Source : Artvalue : (Tajan/décembre 2003)
Source : (Paris, BnF) ; (Vienne, Kunsthistorisches museum) ; (Vienne, Kunsthistorisches museum)
Notes
1. Musée Condé, Les miniatures du musée Condé à Chantilly, Portraits des maisons royales et impériales de France et d’Europe, Paris, Somogy, 2007, p. 210. Il me semble avoir aperçu sur un site de vente d'oeuvres d'art, un tableau semblable représentant le duc de Guise, François, premier époux d'Anne d'Este. Il reprenait les traits du dessin de la BnF (ci-desus). Je regrette de ne pas en avoir pris la référence.
2. Ce qui nous est impossible de faire avec la petite reproduction photographique ici présentée.