Le duc d'Anjou (1570)
Portrait au crayon d'Henri de France, duc d'Anjou, dessiné par Jean Decourt vers 1570 et sa version en peinture conservée à Chantilly
Source des images et localisation des oeuvres : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France), voir également Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)
Duc d'Anjou en 1566, lieutenant général du royaume en 1567, Henri devient à seize ans, le commandant suprême de l'armée royale. Ce portrait a probablement été fait à l'époque de la troisième guerre de religion (1568-1570), quand le jeune prince s'illustre en remportant sur les protestants les batailles qui firent sa renommée, à Jarnac et à Moncontour. A cause d'une inscription erronée, placée en haut à droite sur le dessin et en bas sur le tableau, on a longtemps cru à tort que le dessin représentait le duc d'Alençon, son cadet. Les deux frères ne se ressemblaient pas, il est impossible de voir dans ce portrait les traits caractéristiques du duc d'Alençon qui possédait un visage (et un nez) moins gracieux 1.
Portrait en pied d'un prince en armure dessiné d'après François Clouet
Source de l'image et localisation : Gallica ou Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Malgré une inscription - tardive - identifiant ce prince à François de Valois, ce dessin est aujourd'hui présenté comme étant Henri d'Anjou 2. Il peut être rapproché des portraits envoyés à la reine d'Angleterre en 1571. Depuis quelques temps, Catherine de Médicis projetait de marier l'un de ses fils à Elisabeth Ière. Ces dessins devaient lui permettre de mieux apprécier l'allure de ses prétendants. L'histoire veut qu'Elisabeth n'ait pas trouvé le visage très bien fait. Dans une lettre à son ambassadeur en Angleterre, Catherine de Médicis avait précisé que le portrait avait été tiré rapidement. François Clouet qui en est l'auteur avait privilégié la représentation de la taille plutôt que le portrait du visage.
Le projet de mariage n'alla pas plus loin que cet échange de portraits. La reine Elisabeth restait indécise à l'idée de se marier, et Anjou était nourri de préventions à son égard ; Elisabeth était de confession protestante et elle avait 18 ans de plus que lui. On en resta là.
Portrait du duc d'Anjou peint d'après Decourt et conservé au musée Condé à Chantilly
Ce tableau est plus tardif que le précédent, car le duc d'Anjou porte ici une pilosité plus développée. Peut-être, est-ce un tableau peint vers 1572, à l'époque du mariage controversée de sa soeur avec le protestant Henri de Navarre ?
A 20 ans, le duc d'Anjou est déjà considéré comme une personnalité politique importante de la cour. Il se forme déjà contre lui un groupe d'opposant qui conteste son ascension. Le roi lui-même est jaloux des lauriers de son frère cadet. Leur entente est mauvaise et pour les séparer, leur mère Catherine envisage d'installer Anjou sur un trône européen. A défaut de l'Angleterre, ce sera la Pologne. En attendant, c'est à lui qu'est confié le commandement de la grande armée chargée d'assiéger la ville de La Rochelle. Malgré les moyens déployés, ce sera un échec.
On peut s'interroger sur le costume sombre que porte le jeune prince. Cette sobriété vestimentaire fait penser aux portraits italiens d'Henri, quand le nouveau roi, de passage dans la péninsule, portera le deuil de son frère Charles.
Comme il s'agit de son premier portrait officiel en tant qu'adulte, il est possible que d'autres portraits similaires existent dans les collections et réapparaissent un jour sur le marché de l'art (exemple ci-contre, avec cette peinture vendu chez Bergé en 2013, sous le titre de Portrait d'homme).
Source des images et localisation : Agence nationale de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Bergé (Vente du 10 juin 2013 à Paris)
A la même époque, Vasari peint le visage du futur Henri III sur les murs du palais du Vatican. Anjou est représenté au parlement de Paris assis entre ses deux frères François et Charles. Il s'agit de la fresque murale qui commémore le massacre de la Saint-Barthélemy (extrait de la fresque peinte à la Sala Regia en mai 1573).
Source de l'image et localisation : Wikimedia common (Rome, palais du Vatican)
Portrait du duc d'Anjou peint vers 1572-1573 dans le livre d'Heures de Catherine de Médicis
Source de l'image et localisation : (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Alors que tous les enfants de la reine-mère sont représentés dans le livre d'heures accompagnés de leur époux ou épouses (excepté François d'Alençon qui n'a jamais été marié), Henri est représenté célibataire.
Le fait qu'Henri soit représenté seul permet de dater l'ensemble de ces miniatures à une période antérieure à 1575, date de son mariage avec Louise de Lorraine.
En tant que prince de la maison de France, Henri est revêtu du manteau fleur-de-lysé bordé d'hermine. Il porte la couronne ducale composée d'un cercle orné de fleurons. Le fait qu'elle soit fermée permet de supposer qu'à cette date, Henri est déjà élu roi de Pologne.
Portrait d'Henri roi de Pologne
Source de image et localisation : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Le duc d'Anjou est occupé d'assiéger La Rochelle quand il apprend le 28 mai 1573 qu'il a été élu roi de Pologne.
Dix mois plus tôt, la dynastie des Jagellons s'était éteinte ; le roi polonais Sigismond-Auguste II était décédé à 51 ans sans descendance ni héritier mâle. Il revenait désormais à la diète polonaise, constituée des grandes maisons nobles du royaume, de choisir un nouveau roi. Un appel à candidature était lancé parmi les grands princes d'Europe.
Par anticipation, Catherine de Médicis avait déjà proposé au roi polonais l'offre de marier Henri à la princesse Anna, soeur et héritière de Sigismond. La mort de ce dernier avait interrompu les négociations, mais l'idée qu'Henri devienne roi par ailliance courait déjà à la cour de Pologne.
L'élection se termina après plusieurs semaines de palabres ; le 11 mai 1573, Henri était élu. L'affaire n'était pas gagné d'avance à cause de la colère qu'avait suscité l'annonce du massacre de la Saint-Barthelemy. C'est l'ambassadeur envoyé par la France, Jean de Monluc, qui parvint par ses talents d'orateur à convaincre la diète polonaise de chosir le candidat français.
L'ambassade extraordinaire envoyée par les Polonais est accueillie à Paris le 19 août 1573. Il s'ensuit des festivités réalisées avec le faste caractéristique de la cour des Valois.
De cette ambassade polonaise, il existe une représentation dans la tapisserie des Valois (musée des Offices de Florence). L'une des tentures représente la fête donnée le 14 septembre en l'honneur des Polonais au jardin des Tuileries. La scène se déroule suite à l'entrée officielle du roi de Pologne dans la ville de Paris. La reine-mère qui est l'organisatrice du spectacle est représentée assise en train de regarder des couples danser.
Le fait que le siège royal soit vide à coté d'elle peut nous faire penser que Charles IX fait partie de ces danseurs (Charles IX n'apparaît pas dans la tapisserie des Valois qui ne représente en portrait que des membres de la famille royale vivants au moment de la confection de la tapisserie). Dans ce cas, les deux autres personnages masculins qui l'accompagnent au milieu de la cour ne peuvent être que ses frères. On pourrait alors se demander si le danseur le plus à droite ne serait pas le roi de Pologne (le traitement de son visage est semblable à celui qu'il a dans la tenture suivante).
Sur la tapisserie du Voyage, le roi de Pologne est plus clairement identifiable au centre de la composition. La scène représenterait son départ pour la Pologne. Il serait précédé des Polonais et suivi d'un immense cortège composé des membres de sa maison et de celles de ses proches qui l'accompagnent à la frontière. La tapisserie reprend un dessin d'Antoine Caron.
Source des images et localisation: Wikimedia (Florence, musée des Offices)
Cette tapisserie du voyage renvoie à une autre image du prince à cheval. Il s'agit d'une estampe d'origine allemande 3 représentant le roi voyageant entouré de ses pages (image ci-contre).
Après avoir quitté Paris le 28 septembre et fait un détour par Fontainebleau, la cour arriva seulement le 16 novembre à Nancy. Dans la capitale ducale, plusieurs festivités furent organisées par le beau-frère de la famille Charles III de Lorraine. Enfin, le 2 décembre, arrivé à la frontière, le roi de Pologne fit ses adieux a sa mère et à sa soeur 4.
Il restait au roi à traverser l'Allemagne. Il y rencontra plusieurs de ses homologues ; l'électeur palatin Frédéric III le Pieux, l'archevêque électeur de Mayence et le landgrave de Hesse, Guillaume IV. Il fut également accueilli à Francfort, ville libre de l'Empire, et à l'abbaye de Fulda, capitale spirituelle de l'Allemagne catholique 5. C'est probablement pour garder un souvenir de ce passage, considéré comme historique, que cette gravure a été éditée.
Source des images et localisation: Gallica (Paris, BnF)
Notes :
1. Alexandra ZVEREVA, Le cabinet des Clouet au château de Chantilly. Renaissance et portrait de cour en France, Nicolas Chaudun, collection « Éditions Nicola », 2011, p. 157 dont la publication permet de corriger le précédent catalogue du musée (A. CHATELET, F-G.PARISET, R. de BROGLIE, Chantilly, musée Condé ; Peintures de l’école française, XVe- XVIIe siècles, Paris, RMN, 1970).
2. J. ADHEMAR, Les Clouet et la cour des rois de France, de François Ier à Henri I, [exposition], Paris, BnF, 1970, notice 41.
3. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), L'art de la fête à la cour de Valois [exposition, château de Fontainebleau, 2022], Fine éditions d’art, 2020, p. 78 (notice de l'oeuvre)
4. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHAMPION, La jeunesse d'Henri III, tome II, Paris, Grasset, 1972, p. 293-306.
5. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHEVALLIER, Henri III : roi shakespearien, Paris, Fayard, 1985, p. 209-214.
Article modifié en avril 2021