Fille du comte de Vaudémont, la reine Louise appartient à la branche cadette d'une dynastie étrangère : la maison ducale de Lorraine (bien que sous influence française, la Lorraine est à l'époque un pays indépendant). Alors que son rang modeste ne la prédisposait pas à devenir reine de France, c'est Louise que le jeune Henri III choisit pour femme. Plutôt que de faire un mariage qui soit avantageux pour le royaume, le roi a préféré prendre une épouse qui fusse à sa convenance ; Louise lui avait laissé une bonne impression lorsqu'il l'avait rencontré à la cour de Nancy à l'automne 1573. Ce mariage basé sur les sentiments est exceptionnel dans l'histoire moderne de la Couronne de France.
Portrait de la reine Louise effectué d'après un dessin de Jean Decourt1 et aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France
Source de l'image : Gallica
Le dessin est la copie d'un original perdu. Il représente Louise dans un habit assez riche fait d'une multitude de perles ; pour cette raison, on peut penser qu'il a peut-être été réalisé à l'occasion de son avènement comme reine de France ; ses noces eurent lieu le 15 février 1575 ; deux jours plus tôt, son époux avait été sacré à Reims. Louise aurait donc ici 22 ans.
Elle porte une coiffure en raquette selon la mode des années 1570 ; sa collerette largement ouverte annonce les grandes collerettes qui, dans le dernier quart de siècle, se dressent en hauteur derrière la tête.
C'est l'image de son premier portrait officiel, reproduit à de multiples reprises (voir les peintures et tapisseries ci-dessous).
Il existe à la BnF deux autres dessins de la reine, mais leur identification n'est pas assurée. Le premier (image de gauche ci-contre), est un très beau dessin de Jean Decourt2,3. A défaut de ressemblance évidente, l'historienne Alexandra Zvereva l'identifie plutôt à une dame anonyme de la cour ; cela semble faire sens au regard du voile noir porté à l'arrière de la tête. Le crayon suivant (2e image à droite) représente une dame revêtue d'une collerette fermée autour du cou dans un style qui est celui du milieu des années 1570. La coiffure annonce l'élévation capillaire des années 1580. Ici aussi, l'identification à la reine Louise reste à confirmer, car les portraits peints qui existent aujourd'hui semblent prendre exclusivement en modèle le tout premier dessin. Source des images : Gallica ; Gallica
Portrait de la reine Louise peint d'après le dessin de Jean Decourt et conservé au musée national de Cracovie en Pologne
Source des images et localisation : (Cracovie, National Museum) ; Christie's (Vente du 16 novembre 2023).
Le portrait présente beaucoup de similarités avec le dessin de la BnF, en particulier dans l'agencement de la collerette qui est accompagnée d'un grand voile transparent disposé en deux arcs au-dessus des épaules.
Il a l'intérêt de compléter le dessin en dotant l'habit de manches en forme de gigot.
De ce modèle découlent plusieurs portraits semblables mais de qualité inégale. Le premier portrait à droite est la reproduction d'une peinture disparue pendant la Seconde Guerre mondiale. L'image est tirée d'une photographie prise avant le conflit.
Ce sont probablement des images issus d'anciennes galeries de portraits (des illustres).
Source des images : Wikimedia commons (Catalogue of paintings removed from Poland by the German occupation authorities during the years 1939-1945. 1, Foreign paintings, Ministry of Culture and Art, Warsaw 1950) ; Artnet (collection privée) ; (Vienne, Kunsthistorischesmuseum) ;
Portrait de la reine Louise conservé au musée des Beaux-arts des Houston aux États-Unis
Source de l'image : Googleartproject (Houston, museum of Fine Arts)
C'est l'un des plus beaux portraits peints de la reine Louise. Il semble reprendre le dessin de la BnF, mais l'orientation des godrons de la collerette rapelle le deuxième dessin. Il s'agit d'un habit du début du règne car la collerette ne s'ouvre pas encore à plat en éventail derrière la tête.
Ce qui est exceptionnel dans ce tableau c'est le cadre élargi à la robe, laissant apparaître les détails luxueux de ses broderies.
Le reine porte un costume qui marque le point de départ de la mode de la cour d'Henri III : coiffure en raquette, forme arrondie des godrons, épaulettes massives garnies de noeuds de papillon, forme volumineuse des manches et de la robe (mais dans une proportion encore mesurée à l'égard de la mode les années suivantes).
L'histoire de ce portrait reste à faire.
Portrait en pied de la reine Louise sur une enluminure de Jean Decourt représentant les membres de la famille royale
Source de l'image : Christie's (Vente du 16 novembre 2023).
Selon l'historienne Alexandra Zvereva qui l'attribue au peintre Jean Decourt, la miniature serait extraite d'un livre (de poche) ayant appartenu ou commandé par la reine-mère Catherine4
La disposition vestimentaire reprend le portraits de Cracovie. Les manches de la reine sont ici aussi en gigot. Son grand voile transparent tombe dans le dos et descend le long de sa robe.
Source des images : (Cambridge, The Fitzwillliam museum) ; (Christie's, vente online du 13-29 mai)
Portrait de la reine Louise sur la tapisserie des Valois conservée à la Galerie des Offices de Florence
Source : Oriane BEAUFILS (dir.), La Tenture des Valois : tisser les fêtes de Catherine de Médicis, Paris, Editions Liénart, 2022
Louise est représentée en pied, avec son époux. Cette représentation du roi et de la reine, seuls sur le premier plan de la tapisserie, est une image presque inédite d'un couple royal placé côte à côte. Elle nous offre l'image d'un couple uni et nous renvoie à cette réalité exceptionnelle dans la longue tradition des mariages arrangés : le roi et la reine se vouaient une amitié sincère. Et pourtant, pour Louise, l'union avec Henri III ne fut pas tous les jours, heureuse.
Après une fausse couche survenue quelques mois après son mariage, la reine perdit vite l'espoir de mettre au monde un héritier mâle. Ce fut le drame de sa vie. Craignant la séparation, et s'estimant être l'unique responsable de l'infécondité de son couple, elle était sujette à des périodes d'abattement que nous pourrions qualifier de dépression.
Après les premiers mois d'amour passionnel, Louise dut également supporter les infidélités de son mari. Mais en dépit de ses passades, le roi eut un comportement surprenant sinon exemplaire (à comparaison de ses successeurs). Cherchant toujours à ménager l'amour-propre de son épouse, il refusa toujours de se donner une maîtresse officielle et implorait le pardon de la reine lorsque celle-ci était mise au courant de ses écarts. Le roi l'emmenait régulièrement danser dans les bals et visiter les foires. Il la réconfortait à chacune de ses périodes mélancoliques et l'entretenait dans son intimité comme aucun autre roi n'avait coutume de le faire.
Après plusieurs années de remise en question, le couple royal paraissa plus lié que jamais face à l'adversité et aux conséquences politiques de leur stérilité. Profondément dévôt, il se réfugia dans les secours de la religion et leur union prenait l'apparence d'un sacrifice christique.
Louise apparaît également sur les tapisseries des Valois, à côté de sa soeur Marguerite. Les deux soeurs se tiennent la main, mais Marguerite serait représentée de dos.
Source : Scalarchives et exposition Caterina e Maria de' Medici ; donne al potere 2008-2009(Florence, musée des Offices)
Portrait de Louise de Lorraine peint vers 1580 environ et dont la localisation est inconnue
Source de l'image : AGORHA ; (Paris, musée du Louvre)
Ce très beau portrait de la reine Louise présente la reine dans une mode plus moderne que les précédents. La collerette est désormais composée de plis plats et largement ouverte en éventail.
Le musée du Louvre conserve une réplique identique mais de moins bonne facture.
Portrait de Louise de Lorraine réalisé et édité par Jean Rabel
Source de l'image et localisation : (Cambridge, The Fitzwillliam museum)
Le portrait de Rabel existe sous des variantes différentes. Il avait été gravé par Léonard Gaultier en 1581 (ci-contre à gauche).
Source : (Paris, BnF) ; (Paris, BnF)
Portrait de la reine Louise peint en miniature dans le livre d'heures de Catherine de Médicis, aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France
Où sont passés les portraits peints de Louise de Lorraine ? Si beaucoup d'entre eux ont disparus, il existe heureusement des copies qui permettent de se faire une idée des originaux perdus.
Le premier est une miniature peinte dans le livre d'heures de Catherine de Médicis, le second est une copie assez médiocre du XIXe siècle.
Existe t-il un dessin original ? Les deux copies permettent de s'en faire une idée. Louise de Lorraine porte une robe sans décolleté et des grappes de perles qui tombent au-dessus des oreilles. La fraise qu'elle porte semble rapprocher le tableau des années 1570, mais la coiffure, très moderne, annonce les années 1580.
La très mauvaise copie du XIXe est une commande passée par le roi Louis-Philippe pour la décoration de son château d'Eu. Le portrait de la reine Louise disparu existait donc probablement à cette date, à moins que la copie n'ait été réalisée à partir d'une autre copie. Cela expliquerait la médiocrité du tableau.
Source : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Base Joconde (Eu, musée Louis-Philippe)
Portrait de la reine Louise peint en miniature et conservé à la galerie des Offices de Florence
Source des images : Florence, musée des Offices
Il s'agit d'une très belle image de la reine avec une grande collerette à godrons plats, ouverte devant la gorge. L'image représente la reine dans les années 1580.
Plusieurs images proches de la miniature montrent qu'il existe un modèle aujourd'hui perdu. La première est une peinture tardive du XIXe siècle, aujourd'hui entreposée dans les réserves du château de Versailles. La seconde est une copie d'époque comme on en trouve dans les collections privées et les galeries de portraits.
Source des images : C. Constans, Musée national du château de Versailles, 3 vol, Paris, RMN, 1986 (Versailles, musée du château) ; Millon et associés (collection privée)
L'image se retrouve sous forme d'estampe. Le graveur Léonard Gaultier en a réalisées plusieurs qui ont été éditées en pleine époque de la Ligue ; les deux gravures présentées ci-contre sont datées de 1588, année où la reine se retrouva prisonnière de la rebellion parisienne.
L'image de gauche se retrouve dans plusieurs collections institutionnelles (Osterreischiche Nationalbibliothek ; Bibliothèque nationale de France ; centre de recherche du château de Versailles).
Source des images : (Paris, BnF) ; Agence photographique de la Rmn (Paris, musée du Louvre) ; (Paris, BnF)
Portrait en pied de la reine Louise
Il s'agit d'un très beau tableau, malheureusement très abîmé. L'oeuvre n'est peut-être pas un original, mais reste très intéressante pour la recherche iconographique.
La reine est habillée selon la mode des années 1580. Elle porte sous sa robe un vertugadin et ses manches ont triplé de volume.
Source : (Vienne, Kunsthistorisches museum)
Louise de Lorraine apparaît dans les deux tableaux qui représentent la cour des Valois.
Dans Pavane à la cour d'Henri III, elle est assise à droite de la reine-mère.
Source : Marilena Ferrari ; (version du musée du Louvre ; version du château de Versailles)
Dans Branle à la cour d'Henri III , Louise serait représentée en train de danser une ronde avec des membres de la cour.
Elle se tiendrait face au spectateur, le visage tourné vers lui. Comme le veut la mode dans les années 1580, elle porte une robe rouge à vertugadin (c'est-à-dire une robe qui est artificiellement arrondie en volume) et à corps piqué (qui lui donne une taille de guêpe). La collerette est largement ouverte sur la poitrine et les manches sont à crevés et ballonnées.
Le personnage qu'elle tient par la main droite serait le duc de Joyeuse, son beau-frère.
Source : Marilena Ferrari (Paris, musée du Louvre)
Portrait de la reine douairière Louise de Lorraine gravé par Léonard Gaultier
Source de l'image : The Royal Collection (Royaume-Uni)
Il s'agit de la dernière image de la reine Louise. Elle est représentée avec une coiffe de veuvage.
C'est une estampe qui se retrouve dans beaucoup de collections publiques (Centre de recherche du château de Versailles , The Royal Collection, Bibliothèque nationale de France, Osterreischiche Nationalbibliothek).
Elle a été reprise par Thomas De Leu mais avec beaucoup moins de précision (The Royal collection, The Fitzwilliam museum, Bibliothèque nationale de France, Osterreischiche Nationalbibliothek)
Notes
1. Sur l'attribution, cf. la notice de l'oeuvre par Alexandra Zvereva dans Antoine Caron (1521-1599) : le théâtre de l'histoire, Catalogue d'exposition (Musée national de la Renaissance, château d'Ecouen, 5 avril-3 juillet 2023), Paris, Rmn-Grand Palais, 2023, p. 143 ; ainsi que la notice d'Alexandra Zvereva sur la miniature vendue en 2023 par Christie's : https://www.christies.com/lot/lot-6451395
2. L'attribution à Jean Rabel a récemment été remise en cause par Marianne Grivel. Voir Marianne GRIVEL, « "Au sieur Rabel, parangon de la pourtraicture”. Nouvelles recherches sur les peintres-graveurs français de la fin du XVIe siècle : l’exemple de Jean Rabel », in H. Zerner et M. Bayard (dir.), Renaissance en France, renaissance française ?, Paris, 2009, p. 248-249.
3. Antoine Caron, Op. cit., p. 143.
4. Voir la notice d'Alexandra Zvereva sur https://www.christies.com/lot/lot-6451395
Article modifié en mars 2020, septembre 2012, et novembre 2023