Les portraits des princesses de France
La famille royale des Valois compte au XVIe siècle une quinzaine de princesses royales. Filles, petites-filles, soeurs, tantes et cousines d'Henri II, celles qui ont atteint leur majorité ont été mariées aux plus grands souverains d'Europe et ont contribué à faire des Valois une véritable famille européenne.
L'Ecosse, la Lorraine, la Navarre, l'Espagne, la Savoie, la Toscane, Ferrare et Parme ont tour à tour accueilli l'une de ces princesses.
La plus célèbre d'entre elles, Marguerite de Valois, plus connue sous le nom de reine Margot a tenu à la cour une place si importante qu'elle méritait d'avoir une galerie de portraits particulière. Elle n'est donc pas comprise dans cette présente catégorie.
Cette catégorie est susceptible de se développer avec l'ajout des portraits de Renée, Charlotte, Madeleine, Marguerite et ... Marguerite, voire de Jeanne et Anne
Elisabeth de France (1545-1568)
Portrait de la princesse Elisabeth dessiné et peint par François Clouet vers 1550 (miniature et dessin au crayon ci-dessous).
Source et localisation des images : The Royal Collection (Royaume-Uni) ; Base Joconde (Chantilly, musée Condé)
Elisabeth est la fille aînée d'Henri II et de Catherine de Médicis. Elle est née en 1545 sous le règne de François Ie son grand-père. Henri, son père, héritier présomptif du trône de France, n'était encore que le Dauphin. Quelques mois auparavant, il avait subi à Boulogne-sur-Mer une défaite militaire assez amère face aux Anglais. Cet évènement avait accentué les tensions entre le roi et son fils. Henri lui succéda deux ans plus tard.
Sur le portrait de Clouet, Elisabeth est représentée à l'âge de cinq ans environ. Le crayon est aujourd'hui conservé au musée Condé à Chantilly1.
La miniature qu'en a tirée le maître est aujourd'hui conservée au château de Windsor dans les collections royales. Elle aurait été envoyée à la cour d'Angleterre à l'occasion des négociations pour le projet d'union entre la petite princesse et le jeune roi d'Edouard VI2. En 1549, Henri II avait mené une brillante campagne militaire pour reprendre Boulogne-sur-Mer aux Anglais. La revanche d'Henri II sur ces derniers avait été totale. Le traité d'Outreau signé l'année suivante consacrait la victoire française. Pour sceller la paix, il fut question de marier le jeune roi d'Angleterre, âgé de douze ans à la petite princesse Elisabeth, âgée de cinq ans. Le mariage ne se fit pas car le roi Edouard VI mourut trois ans plus tard en 1553.
Il existe d'autres dessins de la jeune princesse à la Bibliothèque nationale de France, mais certains d'entre eux ne sont peut-être pas bien identifiés.
Source : (Paris, BnF)
Portrait de la princesse Elisabeth de France dessiné vers 1558 par François Clouet et aujourd'hui conservé au musée Condé à Chantilly.
Source : Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)
Le dessin aurait été fait en 1558 à l'occasion du mariage du dauphin François, le frère aîné d'Elisabeth3. Il épousait la reine d'Ecosse Marie Stuart qui avait grandi à la cour de France aux côtés des princes de la maison de France. Marie et Elisabeth avaient même partagé leur chambre pendant l'enfance. Un an plus tard, ce fut au tour d'Elisabeth d'être mariée. Son promis était le roi Philippe II d'Espagne.
Elisabeth n'avait que 14 ans à l'époque. C'était une jeune adolescente ; mais à côté de son époux Philippe, elle paraissait une enfant ; le roi d'Espagne était un homme de 32 ans et s'était déja marié deux fois. Leur union était l'une des principales conséquences du traité du Cateau-Cambrésis qui mettait fin à l'interminable guerre entre la France et l'Espagne.
Le mariage fut célébré à Paris durant le mois de juin 1559. Il se fit par procuration car le roi d'Espagne avait refusé de se déplacer. Philippe II gardait une grande méfiance envers les Français, grands ennemis des Espagnols depuis plusieurs décennies. C'est le duc d'Albe, l'un des Grands d'Espagne qui le remplaça à Paris pendant les cérémonies protocolaires. Après trois ans de règne, Philippe II n'avait toujours pas mis les pieds en Espagne ; il résidait dans le nord de l'Europe, supervisant depuis Bruxelles les opérations militaires et diplomatiques contre la France. Son mariage avec la fille de son ennemi, et l'instauration d'une paix durable en Europe allait lui pemettre de rentrer chez lui. Il n'est pas exagéré de dire que la paix du Cateau-Cambrésis est l'un des plus importants évènements de l'histoire - géopolitique - de l'Europe à la Renaissance. C'est pour cette nouvelle page d'histoire européenne, qu'Elisabeth reçut en retour le surnom d'Isabel de La Paz (Isabelle de la paix).
Le dessin de Clouet a fait l'objet d'une peinture qui a récemment été mis en vente chez Christie's (ci-contre à droite).
La peinture est inédite. Sa réapparition sur le marché de l'art, quatre ans après la vente, dans la même maison, du portrait de la duchesse de Berry par Clouet, montre qu'il existe encore des portraits inconnus des derniers Valois et qu'on peut s'attendre encore à de belles découvertes dans les années à venir.
L'historienne Alexandra Zvereva mentionne que peu de temps après la conclusion du traité de paix, Henri II avait fait parvenir à son futur gendre, le portrait d'Elisabeth, dans une peinture réalisée d'après le dessin de Clouet4. Peut-être y a t-il un lien entre ce portrait envoyé à Philippe II et ce tableau vendu chez Christie's ?!
Source : (Christie's, vente du 3 juin 2015 à New York)
C'est au cours des festivités organisées pour le mariage d'Elisabeth que le roi Henri II fut mortellement blessé par accident. Après cet évènement dramatique, la petite princesse resta encore plusieurs mois à la cour de France. Catherine de Médicis prétextait qu'Elisabeth n'était pas nubile pour garder auprès d'elle sa fille préférée. La petite reine d'Espagne ne quitta la cour de France qu'en novembre. La séparation avec sa mère et avec son amie la reine d'Ecosse se fit avec des pleurs déchirants.
1. Une copie existe à Chantilly mais elle date du XVIIIe siècle1. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 300.
2. Ibid.
3. Ibid., p. 301.
4. Ibid.
Mise à jour de l'article le 30 août 2015.
Portrait d'Elisabeth de France, reine d'Espagne peint vers 1560 par le peintre espagnol Alonso Sánchez Coello et aujourd'hui conservé au Kunsthistorisches museum.
Source : (Vienne, Kunsthistorisches museum)
Il s'agit du premier portrait officiel de la princesse Elisabeth en tant que reine d'Espagne. Il a été réalisé par Coello, le peintre officiel de Philippe II, probablement après l'arrivée de la reine à la cour en 1560.
C'est un portrait exceptionnel car il représente une princesse française dans un cadrage en pied. C'est un format de représentation plutôt rare en France à cette époque. De fait, grâce à l'expatriation de la princesse Elisabeth et à ses peintres espagnols, nous avons d'elle plusieurs portraits de grande taille. Ce n'est pas le cas de ses soeurs restés en France, qui n'ont pour cette époque que des portraits en buste.
La robe que la reine arbore appartient encore à la mode française ; cela se remarque par la présence et la forme du décolleté, le port d'une guimpe sur la poitrine et la forme arrondie des petites épaulettes. La reine était venue en Espagne avec sa propre garde-robe et s'il faut en croire l'embarras des Espagnols, elle était très impressionnante. Le transfert vers l'Espagne de tous ses coffres, malles et bagages et ceux de sa suite s'avéra des plus compliqués à organiser, en particulier lorsqu'il fallut traverser les Pyrénées enneigés. Plusieurs équipages tombèrent dans un précipice.
Sur le costume français de la reine d'Espagne, je recommande l'article de Sylvène Édouard, Le costume d’Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, vers 1560, Paris, Cour de France.fr, 2012 (http://cour-de-france.fr/article2178.html). Article mis en ligne le 1er janvier 2012.
Portrait de la reine Elisabeth peint vers 1560 par Antonio Moro et aujourd'hui conservé dans une collection particulière.
Source : Oronoz Fotografos (Madrid, collection Varez Fisa)
Le portrait aurait été fait peu de temps après l'arrivée de la princesse en Espagne. Son auteur est le peintre flamand Antonio Moro qui avait été introduit à la cour par le cardinal de Granvelle et qui avait suivi le roi dans son voyage de retour en Espagne.
Sur ce portrait, la nouvelle reine est représentée revêtue d'un costume espagnol. La comparaison avec le portrait précédent permet de bien saisir les différences vestimentaires : le décolleté carré et les épaulettes rondes à la française ont disparu ; à la place, la reine d'Espagne porte de grandes manches pendantes, caractéristiques de la mode espagnole.
Ce portrait montre que malgré sa garde-robe française, la reine s'est également adaptée à la mode de son nouveau pays. Il confirme également la richesse vestimentaire de la jeune princesse. Le déploiement de luxe de la maison de la reine avait d'ailleurs surpris l'austère cour d'Espagne. Il se raconte qu'Elisabeth ne portait jamais deux fois la même robe.
De tous les portraits de la reine, c'est celui de Moro qui a eu le plus de postérité. Il a été recopié à de multiples reprises et à commencer par son propre élève, Alonso Sanchez Coello (ci-dessous).
Portrait de la reine Elisabeth peint par Coello d'après l'oeuvre d'Antonio Moro.
Source : Musée Bilbao (Madrid, collection Varez Fisa)
Les portraits de Moro et de Coello sont très proches, au point que pendant longtemps ils ont été confondus. De façon plus générale, l'attribution des portraits espagnols pour cette époque est une source de désaccords entre historiens de l'art, tant les oeuvres se ressemblent de prime abord. C'est pour cette raison que certains portraits de la reine Elisabeth peuvent être attribués à des artistes différents selon les livres.
En 2012, les deux portraits ont fait l'objet d'une exposition au musée Bilbao ; leur juxtaposition a permis de lever le doute, d'observer leurs différences et d'apprécier la supériorité du maître flamand.
Aujourd'hui, il existe des copies de l'oeuvre de Moro un peu partout. Le musée du Louvre possède d'ailleurs l'une de ces répliques (ci-dessous).
Portrait de la reine Elisabeth conservé au musée du Louvre.
Source : Agence photographique de la RMN (Paris, musée du Louvre)
Le portrait que possède le Louvre serait peut-être un reste de la collection royale. Il a pu être envoyé par l'Espagne à Catherine de Médicis. L'échange de portraits entre les différentes cours d'Europe était monnaie courante au XVIe siècle. La reine Catherine en faisait une importante utilisation pour entretenir ses réseaux.
Un portrait similaire à celui du Louvre existe à la galerie des offices de Florence (ci-dessous à gauche). Peut-être est-ce un cadeau adressé à la cour du grand-duc de Toscane.
Source : Bridgeman (Florence, galerie des Offices)
Le portrait de Moro a été très diffusé au XVIe siècle. Il a ensuite été recopié à de nombreuses reprises et il en existe un si grand nombre de copies, qu'aujourd'hui, on en vend encore des répliques dans les ventes aux enchères de façon regulière.
La moitié des tableaux que je vous présente ci-dessous ont été vendus chez Christie's ou Sotheby's. Beaucoup d'entre eux sont de qualité médiocre. Le rendu est parfois si plat que le visage n'a plus grand chose à voir avec les traits d'Elisabeth (deuxième ligne de portraits ci-dessous). Et de fait, l'identification du portrait s'est perdue avec le temps. Certains d'entre eux sont encore accompagnés d'une fausse identification, d'autres sont qualifiés d'anonyme.
Source (1ère ligne) : Christie's (vente du 19 octobre 2000 à New York) ; (Cambridge, Fitzwilliam Museum) ; Sotheby's (vente du 27 janvier 2005 à New York) ; Christie's (vente du 8 juin 2011 à New York) ; Bridgeman (Leeds, museums and art galleries)
Source (2nde ligne) : Christie's (vente du 31 octobre 2001 à Londres) ; Christie's (vente du 6 mars 2003 à Londres sans identification) ; CeR.es (Museo Lázaro Galdiano) ; Sotheby's (vente du 4 juin 2015 à New York) ; Base Joconde (Nantes, musée des beaux-arts ; sans identification)
Source (image ci-contre) : Sotheby's (vente du 30 octobre 2001 à New York sous le titre de duchess of Medina)
Pour intégrer l'oeuvre de Moro dans des galeries de portraits, l'image a été modernisée ou recadrée par des copistes du XVIIe siècle. C'est le cas des portraits ci-contre. Dans le premier, la reine a été représentée en pied, dans le second, le fond du décor a été modifié pour intégrer un paysage.
Source : Christie's (vente du 19 avril 2000 à Londres) ; Liechentenstein (The Princely collection) ; Bridgeman (Leeds, museums and art galleries)
Mise à jour de l'article le 31 août 2015
Portrait d'Elisabeth de France attribué à Sofonisba Anguissola, et conservé au musée du Prado.
ZOOM du portrait sur le site du Prado
Sofonisba Anguissola est une artiste italienne invitée par la cour d'Espagne pour servir la nouvelle reine. Elle avait débarqué en Espagne à la même époque qu'Elisabeth et avait été rattachée à sa maison comme dame d'honneur. Leur jeune âge et leur gout commun pour les arts les rapprochèrent ; Sofonisba devint une intime de la reine. Elle lui l'apprenait l'art de dessiner et passait des heures en sa compagnie.
Sofonisba a réalisé plusieurs portraits de la reine d'Espagne mais très peu nous sont parvenus à cause des incendies qui ont ravagé les palais royaux d'Espagne aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Sur ce portrait la reine est revêtue d'un costume espagnol : elle porte une robe un corselet austère de couleur sombre avec de grandes manches pendantes.
Lorsqu'Elisabeth est arrivée en Espagne, elle était accompagnée d'un personnel français et des vêtements de son pays d'origine. Mais petit à petit, Philippe II est parvenu restreindre cette suite, à l'espagnoliser et à faire adopter à son épouse la mode de sa cour. Pour Phillippe II, il fallait qu'Elisabeth n'apparaisse plus comme une fille de France, mais comme la reine d'Espagne.
La comparaison entre les deux portraits, celui du Prado et celui du Kunsthistorisches museum illustre bien les différences existant entre les deux modes. Sur le portrait, la reine tient dans sa main droite le portrait en miniature de son époux.
Il existe de ce portrait plusieurs répliques.
Source : (Madrid, musée du Prado)
Source : (Vienne Kunsthistorisches museum)
Portrait d'Elisabeth de France, reine d'Espagne conservé au musée d'art de Toledo aux Etats-Unis.
Source : (The Toledo museum of art)
La reine est habillée dans un costume espagnol, c'est la raison pour laquelle, il est difficile de voir dans ce portrait, une oeuvre de François Clouet comme il est traditionnellement identifié dans les catalogues1.
D'autant qu'au vu de la taille de la fraise, le costume appartient clairement à la mode des années 1560. Il n'est pas sans rappeler le costume peint par Anguissola dans le portrait du Prado, tandis que l'ostentatoire croix espagnole rappelle celle que la reine porte sur le portrait de Moro.
La peinture de Toledo peut être rapprochée de deux portraits conservés en France, l'un au Louvre, l'autre à Versailles (ci-dessous). Le costume, le cadrage et la pose sont les mêmes.
Source : Agence photographique de la Rmn (Paris, musée du Louvre) ; Agence photographique de la Rmn (Versailles, chateau)
Portrait d'Elisabeth de France, reine d'Espagne, peint en 1605 par Pentoja de la Cruz d'après une peinture originale de Sofonisba Anguissola, et aujourd'hui conservé au musée du Prado.
Sur ce portrait, la reine Elisabeth porte une robe austère propre à la mode espagnole.
Catherine de Médicis entretenait une relation épistolaire très régulière avec sa fille. Depuis la France, elle se tenait au courant de sa vie quotidienne et envoyait par lettres ses conseils pour régler les petits drames de la cour ; des petites maladies de la reine, les querelles de ses filles d'honneur, et ses relations avec le roi.
Les deux femmes ne se revirent qu'une seule fois. Ce fut en 1565, lors de l'entrevue de Bayonne. Au moment des retrouvailles, Catherine et sa fille n'avaient pu retenir leurs larmes. Sous le regard des deux cours royales et des deux armées assemblées sous un climat caniculaire, le long de la Bidossoa, leur étreinte fut longue. Toutefois, dans les jours qui suivirent, Catherine allait constater et regretter au cours des négociations et des festivités combien sa fille était maintenant devenue "espagnole".
Source : Wikimedia commons (Madrid, musée du Prado) ;
Le portrait du Prado a servi de modèle pour le portrait peint en miniature dans le livre d'heures de Catherine de Médicis aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France (ci-contre) ; Elisabeth y est représentée en buste avec son époux, le roi d'Espagne, tous les deux, les mains jointes et la tête couronnée.
Il s'agit d'un portrait posthume peint dans les années 1570 à l'usage privée de la reine Catherine. Avec son vêtement de couleur bleue parsemé de fleur de lys d'or, Elisabeth apparaît moins comme une reine d'Espagne que comme une fille de France (ci-contre).
Le couple royal espagnol avait eu deux filles : Isabelle Claire Eugenie et Catherine Michelle.
1. Voir la notice de description sur le site du musée http://classes.toledomuseum.org:8080/emuseum/
Mise à jour du 30 juillet 2015
Les jumelles Jeanne et Victoire (1556)

Jeanne et Victoire sont les deux derniers enfants d'Henri II et de Catherine de Médicis. Elles sont nées à Fontainebleau le 24 juin 1556. L'accouchement fut un drame, car les jumelles étaient coincées et la sage femme ne parvenait pas à les faire sortir. La petite Jeanne fut sacrifiée et mourut le jour même, mais Victoire ne survécut pas longtemps à sa soeur. Elle décéda presque deux mois plus tard au château d'Amboise.
La seule représentation qu'on a d'elles, est la miniature du livre d'heures de Catherine de Médicis. Elles sont représentées côte à côte, emmaillotées et placées sur un coussin.
Au premier plan de la miniature, un petit prince est représenté les mains jointes en prière. La BnF indique qu'il s'agit du futur Charles IX, mais il s'agit probablement de Louis, né en 1549 et mort en 1550, l'autre enfant de Catherine qui n'a pas survécu.
Marie-Elisabeth de France (1572-1578)
Portrait au crayon de Marie-Élisabeth de France, conservé à la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Marie-Élisabeth est la fille du roi Charles IX et de son épouse Élisabeth d'Autriche, née deux mois après le massacre de la Saint-Barthélemy, le 27 octobre 1572. Elle a pour marraine, la reine Elisabeth d'Angleterre.
Marie-Élisabeth n'a pas deux ans quand son père meurt. Elle est elevée au château d'Amboise avec son demi-frère, le bâtard d'Angoulême. Sa grand-mère Catherine qui assurait son éducation, l'appréciait pour son intelligence. Malheureusement, le destin voulut qu'elle meurt à l'âge de six ans.
Il existe deux portraits d'elle. Le premier se trouve à la BnF. C'est à tort que certains y voient la petite Marguerite, future reine de Navarre, car la coiffure que porte la jeune fille appartient à la mode des années 1570. Quant à ses traits, on reconnaît ceux de sa mère Elisabeth, à qui Marie-Elisabeth ressemble comme deux gouttes d'eau. C'est donc une erreur de la BnF que d'identifier ce portrait comme étant Marguerite de France.
Portrait peint de Marie-Élisabeth de France, conservé à Vienne au Kunsthistorisches museum.
Source : (Vienne, Kunsthistorisches Museum)
Sur le portrait peint de Marie-Elisabeth, l'identification traditionnelle y voit la soeur de François Ier, Marguerite de France, reine de Navarre, ce qui est encore moins crédible que l'identification proposée pour le portrait précédent.
Sur ce portrait la ressemblance avec la reine Elisabeth est édifiante. Cette jeune fille ne peut être que sa fille Marie-Elisabeth. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Christine de Lorraine (1565-1637)
Portrait de Christine de Lorraine
Christine est la fille de la duchesse de Lorraine Claude de France. A la mort de sa mère en 1575, elle est placée sous la tutelle de sa grand-mère Catherine de Médicis qui éprouvait pour elle beaucoup d'attachement. Christine grandit donc à la cour de France auprès de sa grand-mère qui l'élève.
Le portrait de la jeune fille réalisé au début des années 1570 a été repris dans le livre d'heures de Catherine de Médicis.
Source : (Londres, British museum)
Si la présence de Christine dans le livre d'heures de sa grand-mère révèle la proximité de ses liens avec elle, deux autres petites-filles de la reine-mère y sont également représentées. Il s'agit des deux petites infantes, Isabelle et Catherine qu'Elisabeth de France a eu de son mari Philippe II d'Espagne.
Portrait de l'infante Isabelle Claire Eugénie (à droite) et de l'infante Catherine Michelle (à gauche) dans le livres d'heures de Catherine de Médicis
La reine d'Espagne était morte en 1568 en laissant deux enfants en bas âge. Malgré la distance qui la séparait d'elles, Catherine de Médicis s'était toujours souciée de la santé de ses deux petites-filles. N'ayant jamais eu l'occasion de les rencontrer, elle se faisait envoyer leurs portraits.
Après s'être portée candidate au trône de France en 1593, Isabelle gouvernera avec beaucoup de bon sens les Pays-Bas méridionaux (ancienne Belgique). Sa soeur Catherine deviendra duchesse de Savoie.
Source : (Paris, BnF) Source : (Paris, BnF)
Portrait de Christine de Lorraine par Thomas de Leu
Plusieurs gravures témoignent de l'importance de cette princesse et de sa présence à la cour d'Henri III. On la désignait alors sous l'appellation de "princesse de Lorraine" (il ne faut pas la confondre avec la duchesse de Joyeuse, sa cousine, elle aussi, princesse de Lorraine ; c'est une erreur d'identification qu'on retrouve souvent).
Source des images : (Londres, British museum) ; (Vienne, Osterreichische bibliothek)
On retrouve Christine de Lorraine dans le tableau du Bal des noces du duc de Joyeuse (1581).
A cette époque, Christine est déjà représentée malgré ses 16 ans comme une femme de la cour de France, avec les cheveux relevés à la mode du temps, la grande fraise godronnée, les manches ballonnées et le fameux vertugadin en bourrelet qui donne du volume à la robe.
Elle est accompagnée du duc de Mercoeur, son cousin (et aussi le demi-frère de la reine Louise).
Source des images : (Versailles, musée du château)
On retrouve également Christine sur le tableau du Bal à la cour des Valois (1582).
Elle est placée derrière le roi son oncle et la reine-mère sa grand-mère.
Malgré son apparence banale et du fait de son sang royal, la main de Christine fut très demandée. Après 1585, la duchesse de Nemours, Anne d'Este pensait la marier à l'un de ses fils. Le refus de Catherine, contribua à renforcer le fossé entre les Guise et la famille royale.
Source : Marilena Ferrari (Paris, musée du Louvre)
Portrait de Christine de Lorraine
Le portrait représente probablement la princesse au moment de son mariage en 1589. (On admirera la beauté du costume, ultime stade de la mode du règne d'Henri III).
Le départ de Christine pour l'Italie où elle doit épouser le duc de Toscane se déroule dans la tristesse. Quelques jours plus tôt, le 5 janvier 1589, sa grand-mère venait de mourir. Christine quitte un royaume divisé. La plus grande partie de la France est contrôlée par la Ligue et le roi son oncle est en passe d'être destitué de son trône. C'est la fin des Valois.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé) Rmn (Florence, galerie des Offices)
Après avoir consacré une première partie aux princesses de France de la seconde moitié du XVIe siècle, voici celles de la première moitié du siècle. Deux princesses en seront absentes : d'une part Claude de France parce que mariée à son cousin François, elle devient reine de France en 1515, d'autre part Louise de France, parce que cette première fille de François Ier et de Claude de France est morte à l'âge de trois ans.
La présence des ces princesses au sein de ce blog consacré aux derniers Valois m'a paru légitime. Certaines d'entre elles ont exercé une influence déterminante sur leurs contemporains et deux d'entre elles ont côtoyé l'époque des guerres de religion. Marguerite de France est morte en 1574 et Renée de France est morte à l'âge de 64 ans en 1575.
Marguerite d'Angoulême (1492-1549)
Portrait de Marguerite d'Angoulême
Marguerite était la grande soeur du roi François Ier. Elle était aussi son amie, sa confidente, son âme soeur. Bien qu'elle était, jeune femme, d'une grande timidité, elle fut une personnalité très importante de la vie culturelle et politique de la cour de son frère. Ils formaient un couple et malgré leurs divergences de vue croissantes, lui n'a jamais cessé de l'aimer et elle de le vénérer.
La médaille réalisée en 1504 la représente de profil. La jeune fille portraiturée avec précision n'a pas encore treize ans. C'est un bronze à mettre en rapport avec celui qui a été fait de sa mère, la jeune Louise de Savoie et avec celui de son frère.
Source : (Paris, BnF) Pour l'iconographie de Marguerite, voir Cécile Scailliérez, François Ier par Clouet, Rmn, Paris, 1996, p. 84-96
Portrait de Marguerite vers 1526
Il s'agit d'un portrait qui représente la princesse, veuve de son premier mari, le duc d'Alençon. Elle l'avait épousé à 19 ans en 1509. Charles d'Alençon était un prince de sang, dernier survivant de la branche des Valois-Alençon. Il était l'héritier de la couronne de France (jusqu'à la naissance du dauphin en 1518). Il était présent lors de la désastreuse bataille de Pavie mais ne fut pas fait prisonnier. Il mourut quelques semaines plus tard le 11 avril 1525.
A cette époque, en l'absence du roi prisonnier et de sa mère malade, Marguerite était responsable du royaume de France. Par la suite, elle chercha à libérer son frère et se déplaça personnellement en Espagne pour le retrouver, mais son ambassade auprès de l'empereur avec qui on pensa qu'elle se remarierait, fut un échec.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait de Marguerite vers 1527
Il s'agit d'un portrait qui fait peut-être pendant au célèbre et monumental portrait de François Ier peint par les Clouet vers 1527. Son identification à Marguerite n'a pas toujours fait l'unanimité, car c'est un portrait particulier. Marguerite est notamment habillée à la mode italienne. Ce n'est pas courant dans l'art du portrait en France.
Si la datation - qui reste approximative - est bonne, le portrait représente Marguerite l'année de son mariage avec Henri d'Albret, roi de Navarre, un jeune homme qui a dix ans de moins qu'elle.
Source : Wikimedia (Liverpool, Walker art museum)
Portrait de Marguerite (ou Jeanne d'Albret ?)
Le portrait a aussi été identifié à Jeanne d'Albret, la fille de Marguerite née en 1528. Mais le physique semble plus proche de la mère, notamment dans la forme du visage que Jeanne avait plus allongée. Le portrait a été repris par Dumonstier
Source : (Paris, BnF) et (Paris, BnF)
Portrait de Marguerite par Clouet
Il s'agit du dernier portrait de la reine de Navarre. Repris et recopié à de nombreuses reprises, il est devenu au XVIe siècle son portrait officiel.
Source : Rmn et Rmn (Chantilly, musée Condé)
Il représente Marguerite dans les années 1540. Son sombre costume peut faire penser qu'elle est en deuil de son frère François (mort en 1547). Mais Marguerite avait très tôt adopté une vie quasi monastique. Elle vivait dans le recueillement, après s'être séparée d'un époux bien trop jeune pour elle.
On retrouve le portrait dans le livre d'heures de Catherine de Médicis. Le miroir qu'elle tient est une allusion à l'une de ses oeuvres, Le miroir de l'âme pécheresse. Marguerite était une femme de lettre. Les poèmes et les nouvelles qu'elle écrivait sont le reflet de ses réflexions sur l'existence humaine et la société.
Son rang lui permettait de protéger les intellectuels. Ceci explique les nombreuses représentations de la reine dans les ouvrages imprimés ou enluminés de son vivant.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Source : (Philip Moult Ltd) ; Source : (Paris, BnF)
Certains de ses ouvrages la représente alors qu'elle n'est seulement que duchesse d'Alençon (1509-1525). Mais sur les enluminures, son visage n'est pas toujours individualisé.
Source : (Paris, BnF) (Paris, BnF)
Plusieurs ouvrages des années 1540 montrent la reine de Navarre dans le même costume sombre et austère que celui porté dans les dessins de Chantilly.
Source : (Paris, BnF) Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Portrait de Marguerite de Valois dans Les vrais portraits des hommes illustres
Source de l'image : Exposition "An Earthly Paradise : The Art of Living at the French Renaissance Court" (Ithaca, Herbert F. Johnson Museum of Art)
Renée de France (1510-1575)
Portrait de Renée de France par Jean Clouet
Renée est la fille du roi Louis XII et de la reine Anne de Bretagne. La princesse n'a que cinq ans lorsque son père meurt. Elle grandit donc à la cour de François Ier sous la protection de la reine Claude sa soeur.
Dans la cadre des guerres d'Italie, elle est mariée en 1528 avec le prince Hercule d'Este, héritier du duché de Ferrare. Quand elle quitte la France, elle a à peine dix-huit.
Jean Clouet a réalisé son portrait quand elle était jeune fille. Il en existe plusieurs copies au musée du Louvre.
Le dessin a également servi de modèle pour la miniature de livre d'heures de Catherine de Médicis. Renée serait représentée au premier plan à droite.
Source : Rmn (Chantilly, musée Condé)
Il existait jusqu'à récemment un livre d'heures dans lequel Renée était à plusieurs reprises représentée en orante. Malheureusement, l'ouvrage a été perdu lors d'une exposition réalisée en 1994.
Les images de ce livre que nous avons aujourd'hui, proviennent d'un fac-simile qui avait été commandé au moment de l'exposition par la Biblioteca Estense Universitaria de Modène. Voir le site suivant
Portrait dit de Renée de France par Corneille de Lyon (???)
Il existe à Versailles une réplique de médiocre qualité d'un portrait dit de Renée de France peint par Corneille de Lyon (image de gauche). Anne Dubois de Groer rappelle dans son catalogue raisonné du peintre l'incertitude qui entoure l'identification du tableau. Récemment, l'original est réapparu comme par enchantement sur le marché de l'art (image de droite). Le portrait est magnifique mais la comparaison entre le physique de la dame peinte par Corneille et celui de Renée dans le dessin de Clouet entretient un sérieux doute. Il n'est pas aisé de reconnaître les traits de la princesse. En outre, comment Renée aurait-elle pu se faire portraiturer par Corneille de Lyon sachant qu'elle a quitté la France dès 1528 et que la présence du peintre n'est pas attestée à cette date ?
Source : Base Joconde (Versailles, musée du château)
La problématique est la même pour un portrait de la bibliothèque protestante de Paris dont le style se rapproche beaucoup de celui de Corneille.
Source : Sylvie Le Clech, François Ier, Tallandier, 2006
Pour combler le manque iconographique, il ne nous reste plus qu'à nous tourner ailleurs. En dépit de la longévité de la duchesse de Ferrare, sa galerie iconographique s'arrête ici. Sa présence en Italie, l'originalité de ses convictions religieuses, son rôle politique à la cour de Charles IX après son retour en France en 1560 et ses liens de parenté avec les derniers Valois (dont elle est la tante) et avec les Guise (dont elle est pour certains la grand-mère), ne peuvent que nous encourager à croire qu'il existe encore d'autres portraits de Renée de France. A suivre.