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Les Derniers Valois
26 février 2020

Claude de France (1547-1575)


Claude de France, duchesse de Lorraine, musée BonnatPortrait de Claude de France, dessiné par François Clouet en 1559 et aujourd'hui conservé au musée Bonnat de Bayonne

Source de l'image : Agence photographique de la RMN (localisation : Bayonne, musée Bonnat)

Claude de France est la deuxième fille d'Henri II et de Catherine de Médicis. Elle est leur troisième enfant (après le dauphin François et la princesse Elisabeth). Elle naît en 1547, quelques mois après l'avènement de son père au trône de France.

Pour l'historienne Alexandra Zvereva1, ce dessin a été réalisé en 1559, à l'occasion du mariage de la princesse avec le duc Charles III de Lorraine. Claude de France n'est alors âgée que de douze ans.

Ce mariage s'inscrit dans la volonté politique du roi Henri II de s'attacher le duché souverain de Lorraine à une époque où les frontières du royaume sont bouleversées par les négociations du Cateau-Cambrésis. Le duc Charles, âgé de 15 ans, était depuis quelques années, un otage de la Couronne de France. Il vivait à la cour comme compagnon d'enfance du dauphin François, tandis qu'Henri II maintenait la Lorraine sous son aire d'influence. 

Quelques mois après le mariage de Claude, le Dauphin François monte sur le trône et permet à son ancien compagnon d'enfance, le jeune souverain lorrain de revenir dans son duché. Durant l'automne 1559, Charles III se déplaça en grande pompe en Lorraine et en prit possession. Il était accompagnée de son épouse Claude et de son beau-frère roi de France.

Claude de France, BnFPrincesse d'un tempérament discret, Claude de France est restée relativement peu connue. La raison  principale est qu'elle disparaît assez jeune, à l'âge de 27 ans. A la naissance de son premier fils en 1563, Claude n'a que 15 ans seulement. Elle met ensuite au monde une dizaine d'enfants et meurt en couches.

La Bibliothèque nationale de France conserve un autre portrait de la princesse Claude (ci-contre).

Source de l'image : (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 


FRANCOIS-CLOUET_HERZOGIN-CLAUDIA-TOCHTER-HEINRICHS-II-VON-FRANKREICH_CC-BY-SA_BSTGS_1489Portrait de Claude de France, duchesse de Lorraine, peint par François Clouet et aujourd'hui conservé à l'Alte Pinakothek de Munich 

Source de l'image : Sammlung  (localisation : Munich, Alte Pinakothek)

Il s'agit d'un très beau portrait peint vers 1565-1570, et probablement commandé par la reine Catherine de Médicis (le dessin original n'est pas connu).

Claude de France entretenait des rapports très étroits avec sa mère. Régulièrement, elle se déplaçait pour lui rendre visite, partageant sa vie entre la cour de France et celle de Nancy.

Claude est ainsi présente au mariage de sa soeur Marguerite en 1572 ; dans ses mémoires, Marguerite raconte comment, la veille du massacre de la Saint-Barthélémy, alors qu'elles se trouvaient dans la chambre de leur mère, la vision de sa soeur en larmes l'avait beaucoup inquiété. Quelques heures plus tard, c'est dans la chambre de Claude que Marguerite vint se réfugier et tenter de finir sa nuit.

Quelques semaines auparavant, Claude qui n'était encore que sur le chemin de Paris, était vivement tombée malade. Partie à la rencontre de sa fille, Catherine de Médicis était restée auprès d'elle durant la rémission de sa maladie ; c'est un choix étonnant quand on sait qu'à ce moment précis de l'Histoire, les tensions politiques suscitées par les préparatifs du mariage sont au plus fort dans la capitale. Il montre combien Catherine de Médicis était attachée fortement à (certains de) ses enfants.

Charles III et Claude de France dans le livre d'heures de Catherine de Médicis, BnFParfois, c'est la reine-mère elle-même qui se déplaçait à la cour de Lorraine. C'était l'occasion pour elle de voir sa fille, mais aussi ses petits-enfants (elle s'y trouve ainsi en 1560, 1564, 1569 et 1573).

L'oeuvre de Clouet conservée à Munich a servi de modèle au portrait du livre d'heures de Catherine (ci-contre).

Claude y est représentée avec son époux, le duc Charles. La miniature a été peinte vers 1573 quelques temps avant la mort de la duchesse. Sa mort prématurée survenue le 21 février 1575 provoqua chez la reine Catherine une profonde affliction (au point qu'elle adressa des reproches au roi Henri III sur l'indifférence du traitement de ce drame au sein de la cour). Après la mort de son épouse, le duc Charles III continua de rendre visite à sa belle-mère de façon régulière. Sa fille Christine était elévée à la cour de France et lui même touchait une pension de la part d'Henri III. Quelques années plus tard, les tensions déclenchées par la Ligue finirent par le brouiller avec lui.

Claude_de France__KhE2Claude de FranceLe portrait de à Munich a également fait l'objet de plusieurs copies dont l'une se trouve au musée de Versailles (ci-contre, image de gauche).  

Source et localisation des images : Agence photographique de la RMN (Versailles, musée du château), (Vienne, Kunsthistorisches museum)

 

 

 

Claude de France, musée des OfficesPortrait en pied de Claude de France conservé au musée des Offices de Florence

Source de l'image : Polo museale fiorentino (localisation : Florence, musée des Offices)

Ce portrait magnifique, grandeur nature, représente la duchesse Claude dans un costume de cour particulièrement clinquant. Compte tenu de la rareté des portraits en pied dans l'art français du XVIe siècle, il constitue une perle pour l'iconographie des derniers Valois.

Claude porte un costume qui peut être daté de la seconde moitié des années 1570. Peut-être est-ce un portrait commandé par Catherine de Médicis, au lendemain de la mort de sa fille (1575).

Il faut s'imaginer que la reine Catherine possédait dans son hôtel parisien aujourd'hui détruit, tous les portraits de ses enfants dans un style semblable, réunis dans une galerie dédiée à leur exposition.

L'historienne de l'art Alexandra Zvereva propose de dater les portraits de cette galerie entre 1576 et 15782. Peut-être faut-il chercher ici, la genèse de ce très beau portrait.

Claude de France dans le livre d'heures de Catherine de Médicis, BnFComment expliquer la présence de ce tableau à Florence ? Peut-être fait-il partie des biens que Christine de Lorraine, petite-fille de Catherine de Médicis avait reçue en héritage. La fille de Claude, devenue grande-duchesse de Toscane avait emporté avec elle une partie des collections de sa grand-mère. Il semble évident que de cet héritage, Christine était parvenue à récupérer plusieurs portraits de sa mère.

En plus du grand tableau, le musée des Offices conserve également un portrait de Claude sous forme de miniature (en émail). Le modèle reste le même, et a inspiré une (autre) miniature qui se trouve dans le livre d'heures de la reine (image ci-contre) ; le livre d'heures de Catherine de Médicis contient donc deux portraits de la duchesse Claude.

Ce portrait est finalement très important dans l'iconographie de la duchesse Claude car c'est celui qui sera sans cesse recopié après sa mort.

Source et localisation de l'image du livre d'heures: (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 

Claude de France, portrait posthume, musée des OfficesPortrait posthume de Claude de France conservé au musée des Offices de Florence

Source de l'image : Kunst für alle (localisation : Florence, musée des Offices)

Il est difficile de reconnaître dans ce portrait le visage de la duchesse de Lorraine. L'interprétation maladroite du costume confère au tableau une certaine dissonance que vient renforcer le caractère baroque du décor ; c'est un portrait posthume, peint au XVIIe siècle. Son approximation est assez symptomatique des portraits que les descendants de Claude ont commandés longtemps après sa mort.

Décédée à 27 ans, la duchesse de Lorraine a peu connu ses enfants. Sept survivront à l'âge adulte et entretiendront le souvenir de leur mère par la commande de portraits. Cela explique qu'il existe pour Claude un grand nombre de portraits posthumes.

Pour les princes lorrains il s'agit de rappeler leur ascendance illustre. Par leur mère, ils sont apparentés à la maison de France. Cette parenté royale poussera d'ailleurs le duc Charles à manoeuvrer pour imposer son fils Henri, comme roi de France, à la mort d'Henri III (1589).

Claude (Munich, Alte Pinakothek)Claude de France, musée des OfficesBeaucoup de ces portraits semblent être des reprises du portrait en pied des Offices où la duchesse Claude porte une belle rouge à vertugadin. Ce sont souvent des imitations assez pâles, dans lesquelles il est difficile de reconnaître les traits de Claude. Le costume lui-même est une réinterprétation (plutôt maladroite comme dans le premier tableau ci-dessus). Dans les exemples ci-contre, l'artiste a  toutefois respecté les élements propres à la mode des années 1570, comme la guimpe, la fraise de forme évasée et la coiffure en ratapenade.

Source des images : Alinari (Florence, musée des Offices), Sammlung (Munich, Alte Pinakothek)

 

Carlo III duca di Lorena e Claudia di Francia, UffiziPortrait du couple ducal Charles III et Claude peint au XVIIe siècle

Source de l'image : Polomuseale (localisation : Florence, musée des Offices)

La duchesse Claude est souvent représentée en compagnie des membres de sa famille, de son époux ou de ses enfants. 

Sur ce double portrait, l'image de Claude est figée dans une représentation éternellement juvénile, tandis que l'époux qui l'accompagne est représenté, d'après un portrait peint vers 1600, quand il avait une soixantaine d'années. Le duc Charles ne s'était jamais remarié, et décéda en 1608, trente-trois ans après son épouse. 

 

L'Institution du rosaire, musée lorrainPortrait de la famille ducale dans L'institution du rosaire, oeuvre peinte par Jean de Wayembourg en 1597 et conservé au musée lorrain de Nancy3,4

Source et localisation de l'image : (Nancy, musée lorrain)

Il s'agit d'une peinture de 3 mètres de haut, commandée par le duc Charles III pour l'église des Minimes de Nancy. Elle témoigne de l'engagement du prince lorrain en faveur de la Réforme catholique. Charles III fait partie des princes catholiques de cette fin de siècle qui favorisent les nouvelles formes d'expression de piété religieuse comme l'a été le rosaire.

L'originalité de ce tableau est que la scène religieuse s'accompagne de plusieurs beaux portraits de la famille ducale. Le couple ducal est placé au centre de la composition et de part et d'autres, sont représentés leurs enfants, ainsi que le pape Pie V et sainte Catherine de Sienne, connus pour leur défense du rosaire.

Derrière la duchesse Claude, sont représentées quatre de ses filles. Le tableau a été peint 20 ans après sa mort, Claude est donc représentée avec des enfants qu'elle n'a pas eu la possibilité de voir grandir. De gauche à droite : Christine grande duchesse de Toscane (30 ans), Catherine, future abbesse de Remiremont (22 ans), Antoinette, future duchesse de Juliers (27 ans), et Elisabeth, duchesse de Bavière (21 ans).

Portraits de la famille ducale avec Pie V et Sainte Catherine, musée lorrain

 

 

 

 

 

Claude de France, musée du PradoGalerie de portraits des princesses de la maison ducale de Lorraine, peinte en 1599 par le même Jean De Wayembourg5, sur deux toiles aujourd'hui conservées au musée du Prado

Source et localisation de l'image : (Madrid, Musée du Prado)

La duchesse Claude figure en seconde place, dans un costume rouge qui est le même que le tableau en pied des Offices.

Elle se tient derrière sa belle-mère, Christine de Danemark, une autre figure historique de la famille en tant que nièce de Charles Quint et femme de caractère. Celle-ci avait été régente du duché de Lorraine durant la minorité de son fils Charles ; jusqu'à l'intervention française de 1552.  C'est pour briser l'influence impériale exercée par Christine, qu'Henri II était venu en Lorraine et avait pris le contrôle de l'enfant. Lorsque cette galerie de portraits est peinte, elle aussi était décédée depuis longtemps.

Derrière Claude, sont représentées ses filles, chacune habillées dans des robes différentes, dans le style de la fin du siècle.

Princesses de la maison de Lorraine, musée du Prado

 

 

 

 

 

 

 


Notes

1. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 301. Alexandra Zvereva mentionne l'existence d'un autre portrait conservé au Musée de Basse-Saxe de Hanovre. Pour ma part, je me demande s'il ne faudrait pas plutôt y voir le portrait de sa fille Christine. Le type de coiffure et les traits du visage que Christine partageait avec sa mère, me font penser à cette possible identification.

2. Alexandra ZVEREVA, La galerie de portraits de l’hôtel de la Reine (hôtel de Soissons), in Bulletin monumental, tome 166-1, 2008, p. 33-41 (en ligne sur Persée)

3. J.THUILLIER et C. PETRY (dir.), L’art en Lorraine au temps de Jacques Callot, Paris, Rmn, 1992, p. 356.

4. Paulette Choné et Pierre-Hippolyte Pénet, Jean de Wayembourg, peintre à la cour du duc, Charles III de Lorraine, Un portraitiste redécouvert, Le Pays Lorrain, 116e année, Vol. 10, Septembre 2019, n° 3, p. 203-230.

5. Ibid.

 


Première édition de cet article le 04 mai 2007.

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