Les portraits d'Henri III (1551-1589)
Henri III est le dernier roi de la dynastie des Valois. Son règne de quinze ans marque l'apogée des splendeurs de la cour sous la Renaissance, mais également l’apogée des violences religieuses. Alors qu'il assiégeait la ville de Paris qui s'était soulevée contre lui, il meurt assassiné par un moine fanatique.
Henri III est un homme difficile à saisir. Depuis le XVIe, siècle, sa personnalité intrigue 1. Monté sur le trône à l'âge de 23 ans seulement, il est critiqué dès le début de son règne pour son indolence et sa frivolité. Bien que soucieux de ses devoirs de chef d'État, il n'était pas l'homme providentiel attendu par les Français après 15 années de guerre civile. Henri III était un homme doux et débonnaire, davantage porté à la temporisation plutôt qu'à l'action. De son vivant, il laisse de lui une image très contrastée ; d'un coté, il préfigure le Roi-soleil par le souci permanent qu'il a de mettre en scène Sa Majesté, de l'autre coté, il est un roi moine, inaccessible et adepte du secret.
Ayant perdu à sa mort l'estime d'une grande partie de ses sujets, son nom est raillé autant par les protestants que par les catholiques. De ce mépris, est née une image historiographique très déformée qui n'a été que très récemment remise en perspective.
L'étude de son iconographie est également une voie de recherche récente 2. Aujourd'hui encore, il reste de nombreuses zones d'ombre à éclaircir sur le contexte de production de ses portraits. Grâce à ces études, il est aujourd'hui possible de dépasser les clichés moqueurs qui représentent parfois Henri III comme une créature efféminée aux fraises burlesques. A travers son iconographie, on peut voir l'évolution de sa physionomie et saisir le passage d’un roi original, soigneux de sa personne, à un prince dévot et philosophe.
L'iconographie d'Henri III est présentée sur ce blog en six parties :
I] Portraits de jeunesse
II] Portraits du roi
Notes
1. Voir Nicolas Le Roux, La faveur du Roi : mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2001, p. 341.
2. Son iconographie a fait l'objet d'une thèse en 2012 (Isabelle HAQUET, L’énigme Henri III, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012) et aujourd'hui encore ses portraits sont progressivement réattribués, notamment grâce aux travaux d'Alexandra Zvereva. La dernière exposition qui lui était consacrée s'est tenue en 2010 à Blois (Fête et Crimes à la Renaissance: la cour d'Henri III ; https://www.canalacademies.com/emissions/carrefour-des-arts/fetes-et-crimes-a-la-renaissance-la-cour-dhenri-iii)
Article publié une première fois en mai 2007
Le duc d'Angoulême puis d'Orléans
Portrait au crayon d'Alexandre Edouard duc d'Angoulême vers 1552
Le futur Henri III naît au château de Fontainebleau le 19 septembre 1551. Il est le sixième enfant du roi Henri II et de son épouse Catherine de Médicis. On lui donne alors comme prénom celui d'Alexandre Édouard (il a pour parrain le roi Édouard VI d'Angleterre, et son premier prénom fait référence à Alexandre le Grand, l'un de ces héros de la Grèce antique prisés à la Renaissance).
Il existe plusieurs portraits de lui étant petit. L'un d'entre eux est un dessin du musée Condé qui le représente malade, la tête posée sur un coussin (ci-dessous à gauche). Le dessin est de la main de Germain Le Mannier, le portraitiste affecté aux enfants royaux. Le garçon n'est pas identifié par une inscription, mais les historiens semblent y reconnaître le futur Henri III 1.
Source des images et localisation des oeuvres : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Gallica ou Banque d'images de la BnF (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Portrait traditionnellement identifié à Charles-Maximilien, conservé au British museum et attribué à François Clouet
Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Londres, British museum)
Bien que le modèle soit identifié par une annotation comme étant le prince Charles-Maximilien, c'est-à-dire le futur Charles IX, l'historienne Alexandra Zvereva attribue ce portrait au prince Alexandre-Edouard, futur Henri III 2.
Le petit prince porte encore le béguin pour bébé. Il est probable qu'il soit encore revêtu de sa robe d'enfant. Par-dessus cette robe, il est habillé d'un col blanc de forme pointue, rabattu sur un col de fourrure.
Portrait en buste d'un jeune prince vers 1555
Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Saatliche museen zu Berlin)
Le même souci d'interrogation se pose pour ce buste anonyme conservé au musée de Berlin. C'est une sculpture de terre cuite attribuée à l'école de Germain Pilon. Selon la notice du musée, elle était autrefois ornée d'une plume et de pierres précieuses. Il s'agit donc d'une oeuvre rare ayant appartenu à un prince de la cour. L'identité du jeune homme n'est pas mentionnée, mais le buste représenterait l'un des fils d'Henri II. Sans certitude, le musée de Berlin propose d'y voir les traits du futur Henri III.
Portrait d'Alexandre Edouard, duc d'Orléans, dessiné au crayon par François Clouet vers 1561, et sa version en peinture
A l'avènement de Charles IX, à la fin de l'année 1560, Catherine de Médicis demande à François Clouet de réaliser le portrait de ses quatre plus jeunes enfants. Le cabinet des estampes et dessins de Berlin possède le dessin original représentant le futur Henri III 3 (ci-dessus à gauche).
Alexandre Edouard est ici représenté en tant que duc d'Orléans, titre qu'il a pris à son frère, quand celui-ci est devenu roi. Le jeune prince porte le même type de costume que Charles IX sur ses portraits. Cette ressemblance et la proximité de leur âge (ils ont un an de différence) explique que les deux garçons aient parfois été confondus d'un tableau à l'autre.
Le portrait au crayon, sa version peinte et leurs différentes copies sont aujourd'hui éparpillées dans différentes collections.
Source des images et localisation des oeuvres : Agence photographique de la Rmn (Berlin, Kupferstichkabinett) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Klei.org (collection privée) ; Bridgeman art library (Touchstones Rochdale Art Gallery)
Extrait d'un tableau représentant la famille royale vers 1561
Source de l'image : L. Dimier, Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, G. Van Oest, 1924
Sur ce tableau peint d'après Clouet, le duc d'Orléans est représenté à droite en compagnie de son frère le roi Charles et de sa sœur Marguerite. Il a entre dix et onze ans.
A partir de cette époque, le duc d'Orléans et sa soeur Marguerite ne quittent plus le roi. Ils sont présents à ses cotés à toutes les grandes cérémonies de la monarchie auxquelles ils sont désormais systématiquement associés. Dans le cadre troublé des guerres de religion, il est important pour l'État de les exposer pour témoigner qu'en dépit de la jeunesse du roi, la famille royale est une force (par le nombre) et que son avenir, ainsi que celui de la Couronne, est assuré (le duc d'Orléans étant l'héritier du trône).
Alexandre Edouard participe ainsi à tous les grands grands évènements historiques du règne (états généraux, colloque de Poissy, etc.).
Il est par conséquent représenté dans différentes images qui illustrent ces évènements. Dans la gravue représentant les États généraux de 1561 (Localisation de la gravure : Gallica), il est figuré assis à coté du roi en symétrie avec sa soeur.
Gage d'avenir de la Couronne, le duc d'Orléans accompagna également le roi durant le grand voyage qu'il fit à travers la France de 1564 à 1566. C’est au cours de son passage à Toulouse, alors qu'il faisait sa confirmation, qu''Alexandre Édouard changea de prénom. En mémoire de son mari bien-aimé, Catherine de Médicis lui donna celui d'Henri 4.
Notes.
1. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 302-303.
2. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 303. Voir la copie du XVIIIe conservée à la BnF et celle conservée au musée d'art et d'archéologie de Senlis sur la Base Joconde.
3. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 366-367.
4. Pierre CHEVALLIER, Henri III : roi shakespearien, Paris, Fayard, 1985, p. 68.
Article publié une première fois en mai 2007
Le duc d'Anjou (1570)
Portrait au crayon d'Henri de France, duc d'Anjou, dessiné par Jean Decourt vers 1570 et sa version en peinture conservée à Chantilly
Source des images et localisation des oeuvres : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France), voir également Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)
Duc d'Anjou en 1566, lieutenant général du royaume en 1567, Henri devient à seize ans, le commandant suprême de l'armée royale. Ce portrait a probablement été fait à l'époque de la troisième guerre de religion (1568-1570), quand le jeune prince s'illustre en remportant sur les protestants les batailles qui firent sa renommée, à Jarnac et à Moncontour. A cause d'une inscription erronée, placée en haut à droite sur le dessin et en bas sur le tableau, on a longtemps cru à tort que le dessin représentait le duc d'Alençon, son cadet. Les deux frères ne se ressemblaient pas, il est impossible de voir dans ce portrait les traits caractéristiques du duc d'Alençon qui possédait un visage (et un nez) moins gracieux 1.
Portrait en pied d'un prince en armure dessiné d'après François Clouet
Source de l'image et localisation : Gallica ou Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Malgré une inscription - tardive - identifiant ce prince à François de Valois, ce dessin est aujourd'hui présenté comme étant Henri d'Anjou 2. Il peut être rapproché des portraits envoyés à la reine d'Angleterre en 1571. Depuis quelques temps, Catherine de Médicis projetait de marier l'un de ses fils à Elisabeth Ière. Ces dessins devaient lui permettre de mieux apprécier l'allure de ses prétendants. L'histoire veut qu'Elisabeth n'ait pas trouvé le visage très bien fait. Dans une lettre à son ambassadeur en Angleterre, Catherine de Médicis avait précisé que le portrait avait été tiré rapidement. François Clouet qui en est l'auteur avait privilégié la représentation de la taille plutôt que le portrait du visage.
Le projet de mariage n'alla pas plus loin que cet échange de portraits. La reine Elisabeth restait indécise à l'idée de se marier, et Anjou était nourri de préventions à son égard ; Elisabeth était de confession protestante et elle avait 18 ans de plus que lui. On en resta là.
Portrait du duc d'Anjou peint d'après Decourt et conservé au musée Condé à Chantilly
Ce tableau est plus tardif que le précédent, car le duc d'Anjou porte ici une pilosité plus développée. Peut-être, est-ce un tableau peint vers 1572, à l'époque du mariage controversée de sa soeur avec le protestant Henri de Navarre ?
A 20 ans, le duc d'Anjou est déjà considéré comme une personnalité politique importante de la cour. Il se forme déjà contre lui un groupe d'opposant qui conteste son ascension. Le roi lui-même est jaloux des lauriers de son frère cadet. Leur entente est mauvaise et pour les séparer, leur mère Catherine envisage d'installer Anjou sur un trône européen. A défaut de l'Angleterre, ce sera la Pologne. En attendant, c'est à lui qu'est confié le commandement de la grande armée chargée d'assiéger la ville de La Rochelle. Malgré les moyens déployés, ce sera un échec.
On peut s'interroger sur le costume sombre que porte le jeune prince. Cette sobriété vestimentaire fait penser aux portraits italiens d'Henri, quand le nouveau roi, de passage dans la péninsule, portera le deuil de son frère Charles.
Comme il s'agit de son premier portrait officiel en tant qu'adulte, il est possible que d'autres portraits similaires existent dans les collections et réapparaissent un jour sur le marché de l'art (exemple ci-contre, avec cette peinture vendu chez Bergé en 2013, sous le titre de Portrait d'homme).
Source des images et localisation : Agence nationale de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Bergé (Vente du 10 juin 2013 à Paris)
A la même époque, Vasari peint le visage du futur Henri III sur les murs du palais du Vatican. Anjou est représenté au parlement de Paris assis entre ses deux frères François et Charles. Il s'agit de la fresque murale qui commémore le massacre de la Saint-Barthélemy (extrait de la fresque peinte à la Sala Regia en mai 1573).
Source de l'image et localisation : Wikimedia common (Rome, palais du Vatican)
Portrait du duc d'Anjou peint vers 1572-1573 dans le livre d'Heures de Catherine de Médicis
Source de l'image et localisation : (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Alors que tous les enfants de la reine-mère sont représentés dans le livre d'heures accompagnés de leur époux ou épouses (excepté François d'Alençon qui n'a jamais été marié), Henri est représenté célibataire.
Le fait qu'Henri soit représenté seul permet de dater l'ensemble de ces miniatures à une période antérieure à 1575, date de son mariage avec Louise de Lorraine.
En tant que prince de la maison de France, Henri est revêtu du manteau fleur-de-lysé bordé d'hermine. Il porte la couronne ducale composée d'un cercle orné de fleurons. Le fait qu'elle soit fermée permet de supposer qu'à cette date, Henri est déjà élu roi de Pologne.
Portrait d'Henri roi de Pologne
Source de image et localisation : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Le duc d'Anjou est occupé d'assiéger La Rochelle quand il apprend le 28 mai 1573 qu'il a été élu roi de Pologne.
Dix mois plus tôt, la dynastie des Jagellons s'était éteinte ; le roi polonais Sigismond-Auguste II était décédé à 51 ans sans descendance ni héritier mâle. Il revenait désormais à la diète polonaise, constituée des grandes maisons nobles du royaume, de choisir un nouveau roi. Un appel à candidature était lancé parmi les grands princes d'Europe.
Par anticipation, Catherine de Médicis avait déjà proposé au roi polonais l'offre de marier Henri à la princesse Anna, soeur et héritière de Sigismond. La mort de ce dernier avait interrompu les négociations, mais l'idée qu'Henri devienne roi par ailliance courait déjà à la cour de Pologne.
L'élection se termina après plusieurs semaines de palabres ; le 11 mai 1573, Henri était élu. L'affaire n'était pas gagné d'avance à cause de la colère qu'avait suscité l'annonce du massacre de la Saint-Barthelemy. C'est l'ambassadeur envoyé par la France, Jean de Monluc, qui parvint par ses talents d'orateur à convaincre la diète polonaise de chosir le candidat français.
L'ambassade extraordinaire envoyée par les Polonais est accueillie à Paris le 19 août 1573. Il s'ensuit des festivités réalisées avec le faste caractéristique de la cour des Valois.
De cette ambassade polonaise, il existe une représentation dans la tapisserie des Valois (musée des Offices de Florence). L'une des tentures représente la fête donnée le 14 septembre en l'honneur des Polonais au jardin des Tuileries. La scène se déroule suite à l'entrée officielle du roi de Pologne dans la ville de Paris. La reine-mère qui est l'organisatrice du spectacle est représentée assise en train de regarder des couples danser.
Le fait que le siège royal soit vide à coté d'elle peut nous faire penser que Charles IX fait partie de ces danseurs (Charles IX n'apparaît pas dans la tapisserie des Valois qui ne représente en portrait que des membres de la famille royale vivants au moment de la confection de la tapisserie). Dans ce cas, les deux autres personnages masculins qui l'accompagnent au milieu de la cour ne peuvent être que ses frères. On pourrait alors se demander si le danseur le plus à droite ne serait pas le roi de Pologne (le traitement de son visage est semblable à celui qu'il a dans la tenture suivante).
Sur la tapisserie du Voyage, le roi de Pologne est plus clairement identifiable au centre de la composition. La scène représenterait son départ pour la Pologne. Il serait précédé des Polonais et suivi d'un immense cortège composé des membres de sa maison et de celles de ses proches qui l'accompagnent à la frontière. La tapisserie reprend un dessin d'Antoine Caron.
Source des images et localisation: Wikimedia (Florence, musée des Offices)
Cette tapisserie du voyage renvoie à une autre image du prince à cheval. Il s'agit d'une estampe d'origine allemande 3 représentant le roi voyageant entouré de ses pages (image ci-contre).
Après avoir quitté Paris le 28 septembre et fait un détour par Fontainebleau, la cour arriva seulement le 16 novembre à Nancy. Dans la capitale ducale, plusieurs festivités furent organisées par le beau-frère de la famille Charles III de Lorraine. Enfin, le 2 décembre, arrivé à la frontière, le roi de Pologne fit ses adieux a sa mère et à sa soeur 4.
Il restait au roi à traverser l'Allemagne. Il y rencontra plusieurs de ses homologues ; l'électeur palatin Frédéric III le Pieux, l'archevêque électeur de Mayence et le landgrave de Hesse, Guillaume IV. Il fut également accueilli à Francfort, ville libre de l'Empire, et à l'abbaye de Fulda, capitale spirituelle de l'Allemagne catholique 5. C'est probablement pour garder un souvenir de ce passage, considéré comme historique, que cette gravure a été éditée.
Source des images et localisation: Gallica (Paris, BnF)
Notes :
1. Alexandra ZVEREVA, Le cabinet des Clouet au château de Chantilly. Renaissance et portrait de cour en France, Nicolas Chaudun, collection « Éditions Nicola », 2011, p. 157 dont la publication permet de corriger le précédent catalogue du musée (A. CHATELET, F-G.PARISET, R. de BROGLIE, Chantilly, musée Condé ; Peintures de l’école française, XVe- XVIIe siècles, Paris, RMN, 1970).
2. J. ADHEMAR, Les Clouet et la cour des rois de France, de François Ier à Henri I, [exposition], Paris, BnF, 1970, notice 41.
3. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), L'art de la fête à la cour de Valois [exposition, château de Fontainebleau, 2022], Fine éditions d’art, 2020, p. 78 (notice de l'oeuvre)
4. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHAMPION, La jeunesse d'Henri III, tome II, Paris, Grasset, 1972, p. 293-306.
5. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHEVALLIER, Henri III : roi shakespearien, Paris, Fayard, 1985, p. 209-214.
Article modifié en avril 2021
L'avènement au trône de France (1574)
Portrait en émail d'Henri III, attribué à Bernard Limosin et aujourd'hui conservé au musée de Metz
Source de l'image : Exposition Fête et Crimes à la Renaissance: la cour d'Henri III de 2010 (localisation de l'oeuvre : Metz, musée de la Cour d'Or)
Ce très beau portrait en émail a retrouvé son identité à l'occasion d'une exposition consacrée à Henri III par le château de Blois en 2010 1. Une ancienne attribution l'identifiait au roi Charles IX. C'était évidemment une erreur ; les traits d'Henri III y sont aisément reconnaissables.
Henri monte sur le trône de France à la mort de son frère le 30 mai 1574. Le portrait en émail n'est pas daté, mais il pourrait représenter le roi à ce moment clé de sa vie. Du point de vue de la mode et de la physionomie, il se situe chronologiquement entre le portrait de Chantilly peint par Decourt vers 1570/72 (vu dans l'article précédent) et les portraits du début du règne (à voir dans l'article suivant).
Plusieurs portraits présents dans les collections européennes sont probablement contemporains à ce portrait. Les trois qui sont présentées ci-contre et ci-dessous, résultent d'un seul et même modèle mais diffèrent du dessin de Decourt.
Comme pour le portrait précédent en émail, les oeuvres ne sont pas datées ; elles pourraient tout aussi bien représenter le roi de Pologne en 1573 que le roi de France en 1574
La fraise est représentée plus large que sur les portraits précédents, mais plus étroite que les portraits du début du règne. Du point de vue de la mode, on peut donc chronologiquement placer ces images entre ces deux périodes, quand le duc d'Anjou devient roi ou s'apprête à le devenir. Le portrait du roi avec la plume rouge et son collier de perle est parfois attribué à Bartolomeo Passarotti (ci-dessous à gauche). Peut-être est-ce un portrait tiré lors du séjour italien d'Henri III.
On peut également remarquer l'improbable rangée de boucles d'oreille dans le portrait du musée Stibbert (ci-contre, à droite). Cette surenchère de bijoux, peu crédible, interroge quant à son origine et son authenticité.
Source des images : Albert and Victoria museum ; Bridgeman Images (Collection privée) ; Catalogue des Offices (localisation : Florence, museo Stibbert) ;
Portait du roi dans L'Arrivée d'Henri III à Venise peint par Andrea Vicentino vers 1593 et conservé au Palais des doges à Venise.
Le tableau représente l'accueil triomphal réservé à Henri III par les Vénitiens le 18 juillet 1574.
Quand il apprend la nouvelle de la mort de son frère, Henri III se trouve encore dans son royaume de Pologne. Le nouveau roi n'a aucune hésitation sur le choix à faire entre les deux trônes qui sont à lui. Il doit rejoindre la France au plus vite.
S'il choisit de faire le voyage de retour par l'Italie, c'est que lors de sa précédente traversée de l'Allemagne, il avait essuyé nombre de remontrance et de "leçons" de la part de ses hôtes protestants (à cause de l'indignation suscitée par le massacre de la Saint-Barthélemy). Sa sécurité était plus garantie s'il passait par l'Italie malgré la présence importance de l'ennemi espagnol.
Le séjour italien va durer deux mois pendant lesquels les cérémonies vont se succéder les unes après les autres. La plus importante et la plus grandiose est sans commune mesure celle que lui offrent les Vénitiens le 18 juillet 1574.
De ce passage vénitien, il subsiste plusieurs tableaux dont celui-ci qui orne encore le palais des doges. Il représente l'accueil fait au roi par le doge Alvise Ier Mocenigo. Le roi est en habit noir car il porte encore le deuil de son frère. La médaille de l’ordre de Saint Michel qui orne sa poitrine est le seul bijou de son habit.
La foule se presse autour du cortège ; les Vénitiens se sont déplacés en grand nombre pour apercevoir le roi. La ville s'est donnée les moyens pour recevoir le roi Très Chrétien avec faste. Son entrée à bord du Bucentaure est saluée par des salves d'artillerie et parmi les innombrables décorations, un arc de triomphe éphémère a été dressé sur son passage.
Source de l'image : (Venise, Palais des doges) ; liens vers les gravures : INHA ; Gallica
L'évènement a tellement marqué la Cité qu'on en peint encore des représentations une génération plus tard. Palma le jeune livre ainsi vers 1595 un tableau représentant le roi arriver au palais Foscari, qui est la demeure vénitienne où il séjourna. Le tableau semble s'inspirer de l'oeuvre de Vicentino, mais ici, le peintre met davantage en valeur les personnages ; à droite du doge sont notamment représentés deux personnalités importantes de l'entourage du roi (représentés en habit noir). Il s'agit au premier plan d'Alphonse d'Este, duc de Ferrare, le cousin italien du roi et au second plan, de Louis de Gonzague, duc de Nevers qui est son principal conseiller politique et le frère du duc de Mantoue.
L'oeuvre existe en plusieurs versions, dont l'une est aujourd'hui conservée à Dresde et l'autre au château d'Azay-le-Rideau.
Source de l'image : Canal Grande di Venezia (localisation : Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister ; Château d'Azay-le-Rideau, voir la notice du Centre des Monuments nationaux sur la base Regards)
Portraits d'Henri III peints d'après un dessin que Le Tintoret aurait exécuté sur le vif à Venise
Source de l'image de gauche : Conihout (et al.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006 (localisation : Venise, palais des doges)
Source de l'image de droite : (Budapest, musée des beaux-arts)
Le séjour à Venise fut l'occasion pour Henri III de découvrir le savoir-faire exceptionnel de ses artisans et de rencontrer les grands maîtres vénitiens de son temps. Il rencontra ainsi le vieux Titien dans sa maison, il découvrit les palais de Palladio et se fit portraiturer par Le Tintoret.
La petit histoire dit que Le Tintoret avait dressé le portrait du roi à son insu. Pendant l'une de ses apparitions publiques à Venise, le peintre l'avait croqué en catimini. Quelques jours après, il fut présenté au roi avec le tableau terminé. Ceci ne manqua pas de surprendre Henri III. On sait d'après un document d'archives que suite à cette rencontre, le roi commanda au Tintoret trois autres tableaux 2. Par ailleurs, il est vraisemblable que plusieurs portraits étaient été commandés par les Vénitiens pour commémorer la visite du roi. Actuellement, l'un de ces portraits se trouve toujours au palais des doges, un autre est conservé à Budapest. On peut penser qu'il en existe dans d'autres collections encore non formellement identifiés. La diffusion du portrait royal par la gravure, montre que celui-ci rencontra un grand succès.
Portrait d'Henri III gravé par Cesare Vecellio pendant le séjour du roi à Venise
Source et localisation de l'image : The Royal Collection
Selon la notice de la Royal Collection, où cette gravure est conservée, il s'agit d'une oeuvre réalisée dans un délai très court puisqu'elle a été publiée deux semaines seulement après l'entrée du roi à Venise. Comme pour Le Tintoret, il s'agit d'attirer l'attention du roi sur le savoir-faire vénitien, mais aussi de faire partager le plus rapidement l'actualité majeure du moment.
Le portrait n'est pas sensationnel ; c'est pourtant l'un des tout premiers d'Henri III imprimés et diffusés. Il donne du roi une image très curieuse. L'artiste italien n'a pas retranscrit l'habit avec fidélité car il semble l'avoir interprété selon le goût italien. Par maniérisme, le cou est allongé et le bonnet semble aussi volumineux que la tête. Le résultat donne à la figure un caractère plutôt précieux.
La gravure de la Royale Collection serait le seul exemplaire susbsitant connu à ce jour. Il existe toutefois une variante en allemand dont les tirages se retrouvent dans plusieurs collections européennes (ci-contre). Cette variante a été tirée la même année, preuve en est de son succès en Europe. Celui-ci montre l'engouement suscité par l'avènement du nouveau roi de France.
Arnaud Du Ferrier l'ambassadeur de France à Venise l'évoque dans une lettre à Catherine de Médicis :" Il [le roi] a donné une si grande espérance de sa grandeur et contentement à tout le monde que chacun a voulu avoir un portrait pour si mal fait que ce soit" 4.
L'image a ensuite été reprise de façon maladroite dans d'autres variantes ou dans des frontispices d'ouvrages 3 (série de portraits ci-dessous).
Source et localisation des images (de gauche à droite) : ScalaArchives ou Gallica ou Österreichische Nationalbibliothek ; La Malcontenta ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (BnF) ; The Royal Collection
Voir également SKDmuseum (Dresde, Münzkabinett) ; Gallica ; Gallica ;
Portrait en pied d'Henri III imprimé par Hans Liefrinck
Source et localisation de l'image : (Chantilly, musée Condé)
C'est finalement un artiste du nord de l'Europe qui propose le portrait gravé le plus vraisemblable. Dans cette estampe de Liefrinck, les traits d'Henri III sont plus reconnaissables et les formes de la fraise ou de la toque sont plus authentiques.
L'imprimeur anversois maintient toutefois une composition assez classique ; la pose du roi renvoie aux portraits en pied de Charles IX ; la main est posée sur une chaise et un rideau sert de décor.
Par ailleurs, l'habit porté par le roi est à la mode des années 1570, or ce style est déjà en train de passer. A la cour de France, la mode est très changeante, et cette image du roi sera vite bonne à être oubliée (les cheveux seront relevés par-devant la toque, la fraise allongée en plateau, le pourpoint aiguisé au panseron, et le haut-de-chausses raccourci, puis applati).
Portrait d'Henri III probablement peint vers 1574
Source de l'image : Bonhams (Vente du 14 septembre 2022 à Londres)
Ce portrait exceptionnel est apparu sur le marché de l'art en 2022. La notice l'attribue à l'école de Clouet mais peut-être vaudrait-il plutôt l'attribuer à celle de Jean Decourt.
La question de la datation est la même que pour les portraits peints vus précédemment. Le roi est ici représenté dans une mode qui est celle du milieu de la décennie. La fraise continue de se développer et de s'élargir de façon évasée (dans une forme qui se voyait déjà sur le portrait de Charles IX à Versailles). Il est probable que ce portrait ne représente pas Henri le duc d'Anjou, mais Henri roi au moment de son départ en Pologne, ou plus vraisemblablement après son retour en France en septembre 1574.
Le degré de luxe avec lequel le prince est habillé renvoie aux témoignages de ses contemporains sur la préciosité du roi.
Monté sur le trône à l'âge de 23 ans seulement, Henri III est critiqué dès le début de son règne pour son indolence et sa frivolité. Henri III traîne au lit le matin, aime se parer avec éclat et montre une santé plutôt médiocre qui rend perplexe les observateurs étrangers sur les capacités du jeune homme à régner.
Elevé dans la tradition humaniste propre aux Valois, Henri maîtrise l'art de s'exprimer en public. Mais sa capacité à paraître en société cachait difficilement la faiblesse de son caractère ; les plus médisants disaient que c'était de la sottise, les autres que c'était de la bonté. Henri III était un homme doux de tempérament, mais inexpérimenté et influençable. Bien que sa mère l'exhortait à se placer au-dessus des partis et à aimer tous ses sujets quels qu'ils soient, Henri III montrait une certaine perméabilité aux malignités de la cour.
Portrait équestre du roi Henri III probablement peint à son avènement vers 1574
Source de l'image : Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)
Après plusieurs mois d'absence, Henri III est de retour en France. Il a traversé les Alpes et a rejoint la cour venue à sa rencontre à Lyon. Ce tableau de petite taille se rapporte peut-être à cette période.
Le mur en ruine pourrait évoquer l'état de misère dans lequel se trouve le royaume, après plusieurs années de guerre civile. Le roi apparaît devant le mur comme celui qui va le faire oublier. A l'avènement d'Henri III, la France se trouve être encore en plein conflit ; le roi a pardonné à son frère François et à son beau-frère le roi de Navarre qui avaient comploté contre lui durant son absence, mais les protestants continuent de résister dans de nombreuses régions.
Pour abattre ses ennemis, Henri III opta d'emblée pour une politique de fermeté. Il tenta de soumettre les rebelles du Languedoc et du Dauphiné en lançant une double offensive diplomatique et militaire. Mais ce fut un échec ; il n'y avait pas assez d'argent dans les caisses de l'Etat pour soutenir l'effort de guerre. Dès le commencement, son règne s'annonçait difficile.
La datation que je propose pour ce portrait repose sur les mêmes dispositions vestimentaires et physionomiques que le portrait précédent. Henri III porte un costume qui fait la transition entre la mode de son règne et celle de son prédécesseur.
La physionomie juvénile du roi renforce la datation proposée. Son visage est exactement le même que celui des portraits du début du règne (voir article suivant). La richesse du costume quadrillé de perles, est la marque d'un moment important. En ce milieu des années 1570, il n'y a que l'avènement du roi qui puisse lui donner l'occasion de se faire représenter ainsi.
Médaille réalisée par Duprè d'après une oeuvre de Germain Pilon réalisée pour l'avènement d'Henri III sur le trône de France
Source de l'image et localisation de l'oeuvre : Havard Art Museum ; voir l'exemplaire du British museum ; Gazette Drouot (Crait-Muller, vente du 5 février 2021)
Ce portrait fait apparaître le changement de mode qui s'opère au tout début du règne d'Henri III. La toque disparaît derrière la tête, la plume qui l'orne est déplacée au centre dans l'axe du visage et la fraise s'élargit.
Dans l'histoire du costume, ce portrait montre la transition entre deux modes, celle de la cour de Charles IX et celle de son successeur Henri III.
C'est un élement de datation important pour comprendre ce portrait en bronze, car il appartient à une série de médaillons dont l'attribution à Germain Pilon est régulièrement remise en cause. Faute de pouvoir dater précisément l'oeuvre, les historiens ont émis plusieurs hypothèses qui en font une production ultérieure (sous Henri IV) 5. Or, la perfection de concordance entre l'habit représenté et la mode de l'époque montre qu'il s'agit bien d'une oeuvre du début du règne de Henri III. Compte tenu du cadre contraignant que représente la surface d'un médaillon, c'est une prouesse artistique que d'être parvenu à créer ce réalisme documentaire. Un artiste du XVIIe siècle n'aurait jamais pu faire ce travail, à défaut de connaissance de l'histoire du costume.
Le sacre d'Henri III à Reims, crayon d'Antoine Caron conservé au musée Le Vergeur à Reims
Source de l'image et localisation : (Reims, Musée Le Vergeur)
La scène représente la communion du roi au corps du Christ, alors qu'Henri III est déjà oint et revêtu de sa couronne et de son manteau d'hermine à fleur-de-lys. Dans le contexte des guerres de religion, cette image entend rappeler qu'en France, le roi est catholique. Ce ne sont ni son onction, ni son couronnement qui sont représentés, mais sa soumission au Seigneur Rédempteur représenté par le Saint Sacrement.
Cette image en dit long sur ce qu'est la monarchie française et comment Henri III entend montrer l'importance qu'il donne à la tradition.
Notes :
1. L'hypothèse d'une date de création vers 1575 est formulée par Pierre-Gilles Girault ; Fêtes et crimes à la renaissance : la cour d'Henri III, Paris, Somogy, 2010, p. 84.
2. P. CHAMPION, Henri III, roi de Pologne, Paris, Grasset, 1951, p. 84.
3. Voir Anna Bettoni, « Les coronationi de Pietro Buccio et le passage du roi en Vénétie; 1574 », in Isabelle de Conihout, Jean-François Maillard et Guy Poirier (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006, pp. 110-120
4. P. CHAMPION, Henri III, roi de Pologne, Paris, Grasset, 1951, p. 97.
5. L'attribution à Germain Pilon de la série de médaille en bronze des Valois est régulièrement remise en question. G.BRESC-BAUTIER (dir.), Germain Pilon et les sculpteurs français de la Renaissance, Paris, La documentation française, 1993, p. 47, 146-153.
Article modifié en octobre 2012, en août 2018, en 2021
Henri III - Jean Decourt
Portrait représentant Henri III au début de son règne, établi d'après un dessin de Jean Decourt1
Source de l'image : Europeana (localisation : Vienne, Kunsthistorisches museum)
Le tableau est aujourd'hui conservé dans les collections du Kunsthistorisches museum de Vienne ; il faisait probablement partie de la galerie de portraits de l'archiduc Ferdinand. Ce prince de la maison des Habsbourg, amateur d'art et contemporain d'Henri III avait constitué une importante collection de portraits d'hommes et de femmes illustres de son temps, qui existe encore aujourd'hui.
Cette représentation d'Henri III n'est qu'une copie mais son existence aujourd'hui permet de se faire une idée de l'original peint par Decourt aujourd'hui perdu. Le portrait aurait pu être tiré vers 1575-1576 ; il témoigne de l'iconographie d'Henri III au tout début de son règne.
Le roi porte encore ce collier chargé de perles, à trois rangs, si caractéristique des années 1570, mais selon la mode du temps, la toque disparaît à l'arrière de la tête, derrière une coiffure relevée en hauteur au-dessus du front. L'ancienne mode de la longue moustache effilée n'est plus de mise, le roi porte un très léger bouc et une barbe rase. Au niveau du costume, il porte par-dessus le pourpoint, un collet clair, simple et uni, dépourvu de galons d'or (ce qui n'est pas sans rappeler le portrait de François d'Anjou, peint à la même époque, voir ici).
Le portrait de Vienne présente des points communs avec plusieurs autres portraits du roi, montrant ainsi que le portrait perdu de Jean Decourt, avait été diffusé comme portrait officiel.
C'est également ce portrait qui fut utilisé en Flandre pour la conception de la tapisserie des Valois aujourd'hui conservée à Florence (voir ci-dessous).
Plus intéressant est le portrait vendu aux enchères chez Piasa en 2003 (première image de gauche). Le tableau a été redécoupé dans un format ovale, mais sa facture, dans le rendu du visage, est de meilleure qualité que le tableau de Vienne. Les traits du roi y sont davantage reconnaissables. Le tableau serait-il sorti de l'atelier de Jean Decourt ? Malheureusement, l'oeuvre a été vendue par Piasa sous une autre identification ; le catalogue de vente ne fait pas apparaître le nom d'Henri III 2. A sa décharge, en 2003, l'iconographie du derniers Valois était peu étudiée et encore peu connue.
Sur deux petites peintures (ci-contre, image de droite), le roi est représenté en pied. L'une d'entre elle, le représente de façon fictive en compagnie de sa famille (sa mère, son épouse Louise, et leurs prédécesseurs, Charles IX et Elisabeth).
Source des images : Piasa (vente du 27 juin 2003, à Paris) ; Pierre-Gilles Girault et Mathieu Mercier (dir.), Fêtes & Crimes à la Renaissance. La cour d'Henri III, Somogy éditions d'art, 2010, p. 83 (Lyon, Musée historique des hospices civils) ; The Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg project ; The Saleroom (vente du 06 mars 2014, à Harrogate)
Portrait d'Henri III dans « Le jeu de la quitaine », l'une des pièces de la tapisserie des Valois, conservée au musée des Offices, à Florence
Source de l'image : Akh-images et Wikimedia commons (localisation : Florence, musée des Offices)
Le roi est revêtu d'un costume à l'antique (la cuirasse et les bottines des empereurs romains). Tel un nouveau César, le pied à l'étrier, Henri III s'apprête à parader devant ses sujets. Peut-être va t-il participer au jeu de la quintaine, représenté sur le fond de la tapisserie.
Le portrait utilisé pour le visage du roi est celui fixé par le peintre Jean Decourt au début du règne (voir les portraits ci-dessus). Outre les traits du visage, on y retrouve les mêmes formes et agencements de la fraise et de la coiffure.
Avec ses jambes musclées et sa pause martiale, le roi dégage une image virile qui tranche avec les portraits fraisés et les représentations austères que laissera plus tard le peintre Etienne Dumonstier. Contrairement à ses deux frères aînés, tous les deux passionnés par la chasse, Henri III n'était pas un sportif. A la vie en pleine nature, le roi préférait la vie de cour et la vie urbaine.
En revanche, le costume romain porté par le roi accrédite le goût des Valois pour le travestissement ; comme le faisait son père Henri II, Henri III entretient une cour festive, où alternent carnavals, mascarades, et bals masqués.
A ce titre, les huit pièces de la tapisserie des Valois aujourd'hui conservées à Florence, constituent un témoignage exceptionnel de la vie sous Henri III. Probablement commandée à l'intention de Catherine de Médicis, elle illustre la diversité des jeux à la cour et la magnificence inculquée par la reine-mère à ses enfants : faire danser et jouer la noblesse de France pour lui faire oublier ses guerres fratricides. Conformément à la tradition du néo-platonisme médicéen, les fêtes sont pour la Couronne l'occasion de marquer les esprits et de purifier les coeurs par la Beauté.
Portrait du roi et de la reine Louise dans « Fontainebleau », l'une des pièces de la tapisserie des Valois, conservée au musée des Offices, à Florence
Source des images : E. Cleland, M. Wieseman, Renaissance Splendor Catherine de’ Medici’s Valois Tapestries, Yale University Press, 2019 et Scala archives (Florence, musée des Offices)
Le roi et la reine sont représentés sur un fond représentant le spectacle nautique donné douze ans plus tôt, à Fontainebleau en 1564. La tapisserie reprend un dessin d'Antoine Caron, fait à cette occasion.
Pour le portrait du roi, elle reprend le prototype de Jean Decourt.
Portrait d'Henri III peint en miniature par Nicholas Hilliard vers 1577 (d'après Jean Decourt ?)
Source de l'image : Philip Mould et company ; Localisation de l'oeuvre : collection privée
La miniature appartient à une collection privée. A sa mise en vente en 2013, elle était identifiée comme une oeuvre du XIXe siècle 3. Mais dans un article du Burlington Magazine paru en 2019, des chercheurs dévoilent sa véritable identitée. L'oeuvre est attribuée à Nicholas Hilliard, célèbre peintre anglais qui séjourna à la cour de France de 1576 à 1578.
Cette miniature est donc contemporaine de celle que le peintre anglais fit de la princesse Marguerite de Valois. Et à l'instar de celle-ci, Hilliard réalise un portrait très idéalisé où la ressemblance physique est moins recherchée que l'esthétique d'ensemble.
L'article du Burlington Magazine propose d'y voir la source des portraits précédemment présentés 4. De nombreux points communs les rapprochent (costume, pose du modèle, direction du regard). Pourtant, il faut se rendre à l'évidence ; Hilliard adoucit tellement les traits de son modèle qu'on peine à le reconnaître. Les singularités du visage d'Henri III ne sont pas patentes, notamment au niveau des yeux et des muscles zygomatiques ou buccinateur.
Les copies qui nous sont parvenues du portrait de Decourt présentent des traits plus réalistes, et surtout une proximité entre elles qui les font rattacher à la même généalogie. Le lien entre le travail de Hilliard et celui de Decourt reste donc à établir.
Portrait d'Henri III dont l'auteur et la localisation reste à préciser
Source de l'image : E. Bourassin, Pour comprendre le siècle de la Renaissance, Paris, Tallandier, 1990
Par les traits et le costume, ce portrait se rattache au modèle produit par Decourt. Il en est probablement la réactualisation (reprise d'un modèle ancien par la mise à jour du costume, en l'adoptant à la mode du moment). Comme dans les précédents portraits, le roi porte un pourpoint clair et des colliers de perles à trois rangs. Le roi porte une fraise très large qui fait dater le portrait vers la fin de la décennie, entre 1578 et 1580 environ.
Cette peinture est l'un des derniers témoins de cette première période iconographique, la dernière étape avant le changement iconographique voulu par Henri III au milieu de son règne.
Cette image est à rapprocher d'un portrait en pied aujourd'hui disparu, mais conservé en copie par un dessin du collectionneur Roger Gaignières (ci-contre). Le tableau se trouvait au couvent des feuillants qu'Henri III avait fondé en 1587 à Paris. Le dessin en fournit une restitution assez maladroite. Le roi arbore toujours le même habit (habit clair et colliers de perle à trois rangs), mais la tête est assez mal faite. Le rapprochement de ce dessin avec le portrait peint permet de se faire une idée du portrait original.
C'est le dernier portrait de ce style. A partir de 1580, le roi se fait représenter dans un costume plus sobre.
Source de l'image : Gallica (localisation : Bibliothèque nationale de France)
Miniature du roi Henri III conservée au palais Pitti de Florence (Italie) d'après un dessin de Jean Decourt conservé à la Kunsthalle de Karlsruhe (Allemagne).
Ce très beau portrait est autrement plus réaliste que celui peint à la même époque par Nicholas Hilliard. Il représente le roi vers 1578 à une époque où le raffinement de la mode atteint son paroxysme : les cheveux sont relevés au-dessus du front après avoir été ondoyés et frisés ; la toque, placée à l'arrière de la tête, est agrémentée de plumes et d'aigrettes ; les oreilles sont décorés des pendants de perle et le visage est posé sur une grande fraise, présenté aux courtisans comme sur un plateau de fruits.
Cette image du roi fraisé a depuis toujours alimenté sa légende, celle d'un roi maniéré, indolent et débauché régnant sur une cour violente et dégénérée ; associer les excès de la mode à cette image était pourtant une erreur, car la mode d'Henri III était la même que celle de la cour d'Angleterre. Les courtisans d'Elisabeth Ière étaient habillés de la même façon.
Par ailleurs, il faut rappeler que les excentricités de la cour d'Henri III n'ont rien à envier aux tendances extravagantes de la cour de Louis XIII (avec ses pourpoints fleuris et ses grands cols de dentelle) et de celle de Louis XIV (avec ses grappes de rubans et ses grandes perruques bouclées).
Cette image négative d'Henri III et de sa cour tire son origine des moqueries du peuple peu habitué à de tels caprices vestimentaires. L'opinion publique aurait préféré un roi militaire qui écrasa de sa force les hérétiques huguenots. A la place, ils avaient un roi raffiné et mondain. Les pamphlets et libelles écrits contre Henri III jouèrent un grand rôle dans son impopularité. Ils explosèrent en grand nombre à la fin de son règne et contribuèrent à sa chute.
La miniature des Offices peut être mise en relation avec une estampe de Léonard Gaultier (image ci-contre) et une autre d'après Jean Rabel (image ci-dessous à droite) et une miniature récemment vendu sur le marché de l'art anglais (image ci-dessous à gauche)
Source des images et localisation des oeuvres,: (Karlsruhe, Kunsthalle) ; ? (Florence, palais Pitti) ; Henri III mécène : des arts, des sciences et des lettres, p. 70 (Paris, Bnf) ; Invaluable.com (John Nicholsons Fine Art Auctioneer & Valuer, Vente du 22 mai 2020 à Haslemere) ; (Paris, Bibliothèque nationale de France)
Notes
1. Sur l'origine de ce portrait, voir Pierre-Gilles Girault et Mathieu Mercier (dir.), Fêtes & Crimes à la Renaissance. La cour d'Henri III, Somogy éditions d'art, 2010, p. 83.
2. Le portrait est présenté comme étant le portrait présumé d'un gentilhomme d'Henri IV, Martin du Hardaz, capitaine des chasses du roi.
3. William Aslet, Lucia Burgio, Céline Cachaud, Alan Derbyshire and Emma Rutherford, « An English artist at the Valois court : a portrait of Henri III by Nicholas Hilliard » in The Burlington Magazine, February 2019, p. 103.
4. Ibid, p. 107.
Article initialement publié en mai 2007, modifié en octobre 2016, en mai 2018, en avril 2019.
Henri III - Etienne Dumonstier
Portrait du roi en miniature conservé au musée des Offices de Florence
Source de l'image : Polo museale florentino (Florence, musée des Offices)
Ce très beau portrait marque le point de départ d'une nouvelle iconographie. L'image du prince mondain est abandonnée au profit d'une figure beaucoup plus sobre. Le changement de style est radical. Au lieu de la grande fraise en dentelle, le roi porte autour du cou un petit col rabattu ; son habit noir ne présente ni crevés, ni galons dorés apparents ; la poitrine n'est ornée que par le collier de l'ordre du Saint-Esprit que le roi a fondé en 1578.
A partir de cette date et jusqu'à sa mort en 1589, cette nouvelle iconographie sera la seule autorisée par le roi. A l'exception de quelques variantes, il n'y aura pas d'autres modèles, seulement la réactualisation régulière de celui-ci.
Sur l'estampe éditée en 1580 par Jean Rabel (gravée par Thomas de Leu), le roi arbore encore un col rabattu très étroit (image ci-contre). Du point de vue de la mode, cette forme correspond au début du règne. Car au fur et à mesure des années, la tendance vestimentaire pousse les pointes du col à se déployer en pointe sur les côtés. Vers 1600, le déploiement sera tel que le col s'étendra au-dessus des épaules. De fait, il est possible de dater les portraits en fonction de la taille et la forme du rabat. Sur les exemples présentés ci-contre, les portraits présentent des rabats encore très discrets.
L'oeuvre de Rabel a été reproduite plusieurs fois. D'après Isabelle Hanquet 1, elle serait la reproduction d'une peinture aujourd'hui perdue qui servait de pendant à un portrait de la reine Louise. Le lien avec la miniature des Offices ci-dessus reste à établir. Malgré quelques différences, les deux images sont très proches.
Comme le rappellent les historiens, ce type d'oeuvre d'art est une image officielle, c'est-à-dire que c'est l'image que le roi veut qu'on ait de lui, et ici, l'intention est de montrer l'image d'un roi administrateur, d'un chef d'état.
Avant qu'il ne devienne un article de mode, et ne prenne des formes excentriques, le col rabattu est un marqueur de sobriété et de gravité. Sur les portraits du troisième quart du XVIe siècle, les gentilhommes de la cour portent principalement la fraise. Sous Charles IX, le col blanc ne se remarquait que sur les portraits des religieux, des hommes de lettres ou de science (cette tendance s'inversera sous le règne d'Henri III). Mais ici, le roi n'apparaît plus comme un prince mondain, ni comme un roi de guerre (il n'est pas représenté en armure comme nombre de ses contemporains). Il apparaît comme un "homme de bureau", ce qu'Henri III était assurément au quotidien. Contrairement à d'autres qui préferaient le grand air et la chasse, Henri III était un homme d'intérieur, autant soucieux de gouverner l'Etat que de l'organisation des modes de gouvernement et de ses représentations (notamment par l'organisation d'une étiquette très stricte).
Cette nouvelle image du roi apparaît à une époque de restauration de l'autorité monarchique. Après trois années de règne plutôt calamiteuses, le jeune roi cherche à redorer son blason. Avec les états généraux de 1576 et la sixième guerre de religion, Henri III parvient à imposer une paix suffisamment stable pour réformer son administration, et affermir son pouvoir. Cette nouvelle image s'inscrit dans cette politique de reconquête de souveraineté.
Le portrait a été utilisé dans de nombreuses gravures ornées dans le pur style Renaissance, avec un cadre illustré de motifs foisonnants et souvent symboliques (images ci-contre et ci-dessous).
Voir également « Thomas de Leu et le portrait français de la fin du XVIe siècle»,, in Gazette de beaux-arts, octobre 1961 et Alexandra Zvereva, « Il n’y a rien qui touche guères le cœur des simples personnes que les effigies de leurs princes et seigneurs ” : la genèse du portrait de Henri III », in Isabelle de Conihout, Jean-François Maillard et Guy Poirier (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006, pp. 56-65.
Source des images : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; Gallica ; (Londres, British Library) ; Gallica ; Gallica ; (New York, Metropolitan Museum of Art, 1588) ; Gallica
Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica
Portrait au crayon d'Henri III aujourd'hui conservé au musée Condé de Chantilly et attribué par l'historienne Alexandra Zvereva au peintre Etienne Dumonstier 2
Source de l'image : Plateforme Ouverte au Patrimoine ou Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)
Le dessin n'est pas sans rappeler la miniature de Florence vue précédemment. La différence se situe principalement au niveau du rabat qui est, sur le dessin, plus large et déployé. Du point de vue de la mode, c'est la forme qui s'impose dans les années 1580.
Il est donc fort probable que ce dessin ne soit que la réactualisation du modèle précédent. Ceci expliquerait notamment pourquoi les cheveux sont moins développés sur ce dessin. Les portraits de jeunesse d'Henri III présentent toujours une coiffure soignée et surelévée au-dessus du front ; ce n'est plus le cas dans ce modèle-là. Le dessin présente un roi plus âgé.
Par ailleurs, la particularité de ce portrait est que le roi porte un pendant d'oreille qui a la forme de la lettre grecque λ (lambda) qui correspond à la lettre L en alphabet latin.
Cette forme curieuse est supposée être une marque d'estime envers la reine Louise de Lorraine que le roi aimait sincèrement. Selon la thèse d'Isabelle Haquet, rien n'interdit de penser que le roi ait donné à ce pendant d'oreille un deuxième sens, qui serait caché et compréhensible uniquement des initiés. Comme son grand-père François Ier, et nombre de ses contemporains, Henri III était pétris d'ésotérisme chrétien ; le lambda serait ici le symbole du Logos, le Verbe divin, donc le Christ, que le roi, en bon chrétien, entendait incarner sur terre en devenant le réceptacle de l'Esprit Saint3. L'image du roi est donc celle d'un "roi-Dieu". Isabelle Haquet va plus loin encore en proposant d'interpréter chaque détail du portrait comme un symbole : la broche au diamant placée au centre de la toque serait la marque scintillante de la divinité incarnée ; la plume disposée autour de cette broche serait le symbole du feu du Saint-Esprit ; les trois aigrettes qui s'élèvent au-dessus de la toque rappellent la Trinité, etc.
La thèse est fort séduisante, car on sait qu'en plus, d'avoir un goût certain pour la spiritualité, le roi avait l'esprit philosophe. Dans la continuité de la politique de ses prédécesseurs, Henri III protégeait les intellectuels en décalage avec leur temps comme Giordano Bruno.
Il ne semble pas exister de peinture connue qui reprend le dessin de Chantilly avec exactitude. L'original peint par Dumonstier semble perdu ; seules des copies ou des variantes subsistent. Et il en existe un certain nombre. La diffusion de l'image royale dans les années 1580 est à l'origine d'une production très importante de portraits.
Je vous en propose une gamme ci-dessous. Certains d'entre eux sont des copies tardives d'époque Henri IV ou Louis XIII. Ils sont reproduits de château en château dans les galeries de portraits. Il faut alors les prendre pour ce qu'ils sont, à savoir des interprétations parfois fort éloignées du modèle initial (la copie d'une copie).
Ces reproductions sont si nombreuses qu'il s'en vend de temps en temps dans les maisons de vente aux enchères.
Les plus fidèles reproduisent le pendant en forme de lettre λ (1ère ligne de portrait ci-dessous). Elles sont probablement les plus contemporaines du dessin original. Les autres, moins talentueux dans la reproduction des détails, font sauter le pendant.
Source de l'image : Christie's (vente du 2 avril 2003 à New York)
Source des images (1ère ligne) : (Florence, palais Pitti) ; Agence photographique de la Rmn (Versailles, musée du château) ; Wikimedia commons (Cracovie, Château du Wavel) ; La Gazette Drouot (Tajan, vente du 26 juin 2013 à Paris)
Source des images (2e ligne) : Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; La Gazette Drouot (Vente du 23 mars 2007, chez Millon) ; Drouot (Vente du 09 juin 2011 à Paris) ; Pousse Cornet Valoir (Vente du 8 novembre 2020 à Blois)
Source des images (3e ligne) : (Paris, musée Carnavalet) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Artnet.fr ; Vasari Auction (vente du 15 mars 2014 à Bordeaux)
Il existe encore d'autres portraits de ce type, mais sous forme de miniature, comme celles insérées dans le livre d'heures de Catherine de Médicis (ci-contre, premières images à gauche).
Source des images : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (New York, Metropolitan museum of art) ; Artcurial (Vente du 9 juin 2021 à Paris)
Portrait d'Henri III sculpté en 1585 par le graveur anversois Johannes Wierix
Source des images (Dessin de Johannes W.) : (Cambridge, The Fitzwilliam museum) ; (The Royal Collection). Source des images (Dessin de Jerôme W.) : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (Londres, British Museum) ; (The Royal Collection)
Ce chef-d'oeuvre témoigne de la virtuosité technique des hommes du nord. Le tirage conservé par The Royal Collection, a été édité en 1647, mais d'après la matrice gravée en 1585. Elle reprend avec beaucoup de précision le dessin de Dumonstier à l'exception que le pendant en forme de lambda (λ) n'a pas été représenté. L'observation de la marque blanche présente sur le revers du col laisse supposer que le lambda avait été dessiné et gravé sur la matrice, puis effacé. Pourquoi cet effacement ?
Selon Isabelle Hanquet, il n'existe pas de témoignage contemporain pour certifier que le roi portrait un lambda en pendant d'oreille. Sa présence sur le portrait officiel serait seulement symbolique.
Le pendant λ n'apparaît finalement sur aucune estampe, car c'est la gravure de Johannes Wierix qui va servir de modèle aux autres publiées après lui.
Parmi ses copieurs, se trouve son propre frère Jérôme (ou en latin Hiéronymus). Les deux estampes ne doivent pas être confondues (image ci-contre). Jérôme Wierix a repris la gravure de son frère, mais avec beaucoup moins de rigueur. Son dessin présente un visage plus idéalisé et par conséquent moins réaliste. Par ailleurs, Jérôme commet l'erreur de reproduire la troisième boucle d'oreille, alors que le lambda avait été effacé sur la matrice de la première. Henri III se retrouve donc affublé de trois boucles d'oreille, dont deux à vide.