L'Office solennel à l'avènement d'Henri III dit La Messe de la Ligue, peint vers 1574 par Herman Van Der Mast, et conservé au musée des beaux-arts de Rouen
Source de l'image : Plateforme Ouverte au Patrimoine (localisation : Rouen, musée des Beaux-arts)
L'oeuvre n'a pas encore dévoilé sa véritable identité. On ignore encore le contexte de sa production qui permettrait de comprendre le message politique donnée à cette représentation allégorique exceptionnelle.
La peinture réunit une scène religieuse (le Christ sortant du tombeau) et une réunion internationale regroupant de façon fictive de grands princes catholiques. Le contexte est celui de la Contre-Réforme ; l'enjeu est d'affirmer l'unité des catholiques autour d'un article de foi fondamental : la présence réelle (de Dieu) dans le pain consacré. La peinture est clairement un manifeste religieux et politique contre les protestants qui rejettent cette croyance.
L'apparition du Christ ressuscité pendant l'office eucharistique est un thème iconographie assez répandu à la Renaissance. Il est connu sous le nom de Messe de Saint Grégoire. La scène associe la représentation d'une messe à une vision mystique du Christ sortant du tombeau.
Autour de l'autel sont représentés des célébrités politiques des années 1570. Il ne s'agit pas de représenter un évènement particulier, car ces personnalités n'ont jamais été réunies ensemble. L'image se veut symbolique.
A droite, sont représentés plusieurs personnages de la cour de France. Certains portraits n'ont pas trouvé leur identité, mais d'autres sont facilement reconnaissables, comme le roi Henri III (revêtu de son manteau de sacre fleur-de-lysé et bordé d'hermine) et derrière lui, son frère le duc d'Alençon.
Devant le roi, se tient l'empereur Maximilien habillé à l'antique en imperator ; c'est le seul personnage à pouvoir prétendre la préséance sur le roi de France 1. Derrière, sont représentées des personnalités qui ne peuvent être que des seigneurs de la très haute noblesse. Certains sont facilement identifiables comme le duc de Guise.
L'identité des autres personnalités peuvent être déduites par l'ordre de préséance et confirmées par les portraits. Le barbu à côté du roi, est probablement le duc de Montpensier. En tant que prince du sang, Montpensier est un chef catholique des plus importants à la cour. Il est notamment connu pour son intransigeance ; on sait aujourd'hui qu'il fut l'un des ordonnateurs du massacre de la Saint-Barthélémy ; sa présence parmi ces hauts seigneurs catholiques serait sensée.
Plus haut, se trouvent probablement le prince de Mantoue, Louis de Gonzague, duc de Nevers, principal conseiller du roi 2, et à côté de lui, probablement, le duc de Mayenne, le frère cadet du duc de Guise, qui avait déjà manifesté son soutien à l'Église en allant combattre les Ottomans. Les autres personnalités sont nécessairement des princes, sinon des Grands du royaume. Très étonnant, est la figure placée dans l'ombre entre le roi et Alençon. Il pourrait s'agir du roi de Navarre (catholique jusqu'en 1576), dont on aurait voulu minimiser l'importance du fait de son ancienne appartenance religieuse.
Pendant un temps, le tableau avait été titré Messe de la Ligue, mais ce mouvement politique aussi connu sous le nom de Sainte-Union, n'existait pas encore à cette date. L'oeuvre montre pourtant que très tôt les élites catholiques s'étaient s'associés pour organiser leur défense. La cour d'Henri III est ici inscrite dans ce projet. On y associe de grands seigneurs français avec des princes européens catholiques comme l'empereur (pourtant très libéral sur le plan religieux) ou encore, sur le côté gauche, le pape Grégoire XIII. L'oeuvre représente donc bien une ligue, c'est-à-dire une association d'hommes. Les intentions personnelles du commanditaire restent à découvrir.
Henri III à genoux en prière au pied de la Croix.
Source : Agence photographique de la Rmn (Paris, musée du Louvre) ; Jean Guiffrey, La peinture au musée du Louvre: Ecole Française, Paris, illustration, 1923 (localisation : Paris, musée du Louvre)
C'est un tableau du musée du Louvre qui avait disparu pendant la Seconde guerre mondiale. En 2014, il est réapparu dans une vente aux enchères. Lorsque j'avais présenté cette oeuvre en 2007, je n'avais mis en illustration que la photographie en noir et blanc du catalogue du musée de 1923 (image ci-dessous à droite). Depuis, le tableau a réintégré les collections du Louvre.
Henri III était un homme très pieux, surtout dans les dernières années de sa vie. Sa foi très profonde l'amenait parfois à s'isoler du monde et à se retirer dans des couvents. Pendant plusieurs jours, la cour n'avait plus de nouvelles de lui.
Henri III considérait que les malheurs qui s'abattaient sur son royaume était causés par ses péchés. De la même manière que Jésus est mort sur la croix pour le Salut du monde, il considérait qu'il devait offrir ses souffrances à Dieu pour le Salut de ses sujets. Les ossements humains, placés sur le tableau au pied de la croix (mememto mori) rappellent l'évanescence du monde physique et l'égalité de l'homme devant la mort. Henri III, agenouillé, revêtu de son manteau d'hermine semé de fleur de lys, s'humilie devant Dieu.
On remarquera que les deux seules représentations d'Henri III en habit de sacre - connues à ce jour en peinture - le sont alors qu'il est agenouillé devant le Christ (celle-ci et la précédente).
Le roi Henri III a laissé le souvenir d'un homme excentrique ayant une très haute opinion de lui-même ; soucieux des protocoles, il a sacralisé son quotidien en obligeant les courtisans à le saluer - à distance respectable - comme le vrai représentant de Dieu sur terre. Mais ces peintures rappellent qu'il est aussi un homme de religion qui s'efforce par pénitence de se rabaisser.
Il n'existe pas de représentation du roi en bure de moine, mais assurément c'est un vêtement qu'il prisait occasionnellement. Une image peut illustrer cet attrait pour la pénitence, c'est la gravure de la procession des pénitents blancs (ci-contre). Il s'agit d'une confrérie fondée par le roi réunissant les grands seigneurs de sa cour. Caché sous une cagoule, le roi participe à la marche rédemptrice qui le rapproche de Dieu. Il est le pénitent qui porte une croix à droite.
Assurément, Henri III est un homme de contraste et c'est sans doute ce qui a laissé ses contemporains assez dubitatifs.
Source de l'image : Gallica (Bibliothèque nationale de France)
La Création de l'ordre du Saint-Esprit, peinte en enluminure par Guillaume Richardière d'après une oeuvre d'Antoine Caron.
Source : Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)
L'image illustre la première cérémonie de l'ordre du Saint-Esprit fondé par Henri III en 1578. La scène représente la réception de l'un de ses membres les plus éminents : Louis de Gonzague, duc de Nevers.
Nevers est l'ancien mentor du roi, et son principal conseiller politique ; même si le duc a perdu de son influence au fil du temps, il reste l'un des plus gros piliers du règne. Nevers est un prince italien, élevé au sein de la famille royale, comme compagnon d'enfance des petits princes Valois. Marié à Henriette de Clèves, héritière du prestigieux duché de Nevers, Louis de Gonzague est l'un des plus Grands à la cour, même si le duc de Montpensier, prince du sang, lui a violemment disputé ce statut, par une altercation et une querelle que le roi a eu peine à calmer.
L'oeuvre est une enluminure peinte sur l'évangéliaire de l'ordre. Elle a été faite d'après une peinture d'Antoine Caron, exposée en son temps à Paris au couvent des Augustins. Ce couvent était le siège de l'ordre, le lieu où le roi réunissait ses chevaliers. Comme d'autres tableaux présents aux Augustins, l'oeuvre originale a été détruite par la Ligue parisienne après l'assassinat du duc de Guise en 1588 3.
Sur le tableau sont représentés d'autres personnages importants du règne. Sur la droite, on observe la figure dominante du cardinal de Bourbon, prince du sang (le futur Charles X de la Ligue), le cardinal de Guise (le futur "martyr" de la Ligue). Le haut dignitaire qui tient le livre est Hurault de Cheverny, garde des sceaux et futur chancelier.
Malgré les destructions de la Ligue, le trésor de l'ordre a été en partie préservé et se trouve aujourd'hui exposé au musée du Louvre. Il comprend des colliers, des manteaux et la masse d'arme tels qu'ils sont représentés sur cette enluminure.
Parmi les oeuvres laissées par l'Ordre, se trouve également le livre armorial 4, conservés à la Bibliothèque nationale de France. L'ouvrage contient tous les blasons des chevaliers de l'ordre, ainsi que quelques représentations figurées dont cette vue de l'église des Augustins où se déroulaient les cérémonies (image ci-contre à droite).
Ce livre contient également une image du roi revêtu de sa tenue (image ci-contre à gauche). La qualité n'est pas à la hauteur de la précédente car ni les traits du visage, ni les proportions ne sont très bien respectées. Mais ce qui est intéressant est que cette image est contemporaine à la fondation de l'ordre en 1578 ; et cela se voit du point de vue de la mode, ou plutôt de la physionomie du roi. Henri III n'est pas encore touché par l'alopécie ; son bonnet est dissimulé par des cheveux soigneusement frisés et relevés en hauteur.
Dix ans plus tard, le peintre Jean Rabel a peint le roi avec la même tenue. La peinture originale a été détruite, mais l'image est restée par la gravure qu'en a fait Thomas de Leu (première estampe ci-dessous à gauche). L'image est plus tardive car comme tous les derniers portraits du roi, le bord du bonnet est aligné avec le front du roi.
Source des images : Gallica (Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; Gallica ; Gallica
Pavane à la cour d'Henri III, autrefois intitulé Bal donné pour le mariage du duc Anne de Joyeuse et de Marguerite de Lorraine-Vaudémont
Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Versailles, collection du château) ; (Paris, musée du Louvre)
L'oeuvre existe en deux versions ; la plus grande est conservée à Versailles (ci-dessus à gauche) et la seconde qui est sa réplique est au Louvre (ci-dessus à droite). Bien qu'elle soit souvent attribuée à Hiéronymous Francken, peintre flamand installé à Paris, aucune source, ni analyse stylistique ne permet de le confirmer 5.
L'image inaugure une série de représentation de bals aristocratiques qu'on retrouvera dans la peinture flamande au début du XVIIe siècle (notamment via le fils de Hiéronymous, Frans Francken).
Elle illustre la vie festive à la cour d'Henri III où sont donnés plusieurs fois par semaine fêtes, bals et mascarades. Sous le dernier Valois, la cour de France reste la première cour d'Europe ; les ambassadeurs étrangers en ont laissé des témoignages tantôt amusés, admiratifs ou circonspects. Le roi en personne danse régulièrement avec sa reine et les dames de sa cour, appréciant autant les soirées officielles organisées au palais du Louvre que les fêtes privées organisées dans les hôtels particuliers de la capitale.
Au centre du tableau, se tient un duo dont l'habillement peut faire penser qu'il s'agit d'un couple de jeunes mariés. Jusqu'à récemment, il était admis que le tableau représentait les noces d'Anne de Joyeuse l'un des plus célèbres favoris du roi. Le 18 septembre 1581, celui-ci épousait à Paris la propre soeur de la reine Louise, Marguerite de Lorraine. Ce mariage célébré pendant plusieurs jours est l'un des évènements historiques du règne d'Henri III, car le faste déployé à cette occasion n'a pas d'équivalent dans le XVIe siècle français pour ce type de mariage.
Depuis, l'oeuvre a fait l'objet d'une nouvelle analyse de la part des spécialistes (notamment à l'occasion d'une exposition réalisée à Fontainebleau sur l'art de la fête à la cour des Valois en 2022). Plusieurs incohérences ont été soulignées au niveau de l'identification traditionnelle des personnages 6.
Si le roi et les membres de sa famille sont aisément identifiables (on y voit débout à gauche, sa nièce Christine, et assises à sa droite, sa mère Catherine de Médicis et à sa gauche son épouse Louise de Lorraine), il restait un doute sur la présence du favori.
Anne de Joyeuse ne serait pas représenté au centre mais à côté du roi, la main posée sur le siège royal (ce qui fait sens au regard de sa position de principal favori et de beau-frère du roi). Sa présence au premier plan fait pendant à celle de l'autre favori du moment, le duc d'Epernon ; Jean-Louis de Nogaret est en effet représenté à droite des Guise (Henri de Guise et son frère le duc de Mayenne).
Le couple placé au centre pourrait être des figures de fantaisie mais rien n'interdit d'y voir un vrai couple de mariés. Les mariages à la cour étaient fréquents. Il reste à trouver l'identité des mariés.
A l'occasion de cette nouvelle analyse, le tableau a été réintitulé Pavane à la cour d'Henri III. Ce nouveau titre a l'intérêt de renvoyer au sujet central du tableau - un couple en train de danser - et fait écho à un tableau similaire conservé au Louvre, représentant lui aussi une danse à la cour de Valois (ci-dessous).
Branle à la cour d'Henri III conservé au musée du Louvre
Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Paris, musée du Louvre)
Cette représentation de la cour d'Henri III n'est pas sans similitude avec le tableau précédent. On y retrouve les mêmes figures de fantaisie (la dame assise représentée de dos), mais le roi est désormais représenté debout et les musiciens sont placés sur une estrade dans le fond.
Le tableau était autrefois identifié sous le nom de Bal du duc d'Alençon, mais ce dernier est absent du tableau. A cette époque, le frère du roi est auprès de sa soupirante anglaise, la reine d'Angleterre. La soeur du roi, Marguerite de Valois est également absente du tableau ; elle se trouve alors à Nérac, à la cour de son mari, le roi Navarre.
Le roi, représenté debout à gauche au premier plan, est revêtu du costume en vogue à l'époque dont la panse qui transforme le bas du pourpoint en pointe et le boulevart porté sur les hanches.
Pour la datation de la scène, on peut remarquer que le duc de Mayenne, situé derrière le roi, porte le collier de l'ordre du Saint Esprit. Le tableau est donc postérieur à 1582, date d'entrée de Mayenne dans l'ordre. On retrouve au premier plan les personnalités observées sur le tableau des noces du duc de Joyeuse, vu précédemment. Derrière le roi, se tient le duc de Mayenne, Christine de Lorraine, nièce du roi, Catherine de Médicis, sa mère et sur le côté, le duc de Guise. Il est possible que le tableau ait été peint par le même artiste (avec les mêmes interrogations concernant le peintre flamand Hieronymous Francken).
Il existe d'autres tableaux de ce genre. Mais contrairement à Pavane et à Branle, les personnages représentés sont des anonymes (illustrations ci-dessous).
Source des images : Agence photographique de la Rmn (Rennes, musée des Beaux-arts) ; Webmuseo, Bridgeman art library (Blois, musée des Beaux-arts)
Le 23 et 24 décembre 1588, le roi fait assassiner le duc Henri de Guise et son frère le cardinal Louis de Lorraine. Les faits se déroulent au château royal de Blois, pendant la session des États généraux. C'est un évènement historique majeur, car il marque le point de départ d'un déchaînement de violence qui aboutira à la mort du roi. Le duc de Guise n'était pas seulement un prince, il était aussi un homme politique très populaire, et un homme de parti très puissant. Son assassinat révulsa une partie de la société catholique et provoqua l'édition d'un très grand nombre d'imprimés hostiles au roi. Parmi eux, se trouvent des gravures qui racontent le récit de ces évènements historiques. En voici quelques unes tirées du recueil du chroniqueur et collectionneur Pierre de L'Estoile Les belles Figures et Drolleries de la Ligue (numérisé et mis en ligne par la BnF dans Gallica) :
L'assemblée des États généraux à Blois, sous l'autorité du " perfide Henry de Vallois "
L'image représente une séance des États généraux que le roi préside. Henri III siège sur son trône, encadré par les deux princes lorrains. Il s'agit d'une représentation simplifiée car les deux Guise sont mis en avant au détriment des autres princes et officiers de la Couronne ; sur les 4 secrétaires d'État, seuls d'eux entre eux sont représentés attablés au pied du roi.
Henri III est placé au-dessus de tous. Il est mis en valeur parce qu'il est le roi. La présence de son sceptre et de son manteau royal rappelle sa nature sacrée. C'est là encore une figuration symbolique car le roi était habillé en tenue civile pendant les séances des États généraux.
Habillés d'un manteau bordé d'hermine (mais sans leur couronne ducale), les deux princes lorrains sont représentés comme des pairs de France, et donc comme les garants de la royauté.
Au fond de l'image, les deux princes sont représentés de dos, agenouillés devant l'autel où un prêtre dit la messe. Ils sont représentés en tant que princes catholiques. Ils reçoivent d'un prêtre l'hostie consacrée signe de leur adhésion à la foi catholique, mais également de leur participation au sacrifice du Christ, préfiguration de leur propre sacrifice.
Malgré qu'il soit revêtu d'une personnalité sacrée, Henri III est désigné comme le traitre. Le reste de la gravure montre l'assassinat des princes catholiques. Elle dénonce le viol fait par le roi des voeux prononcés au moment de son sacre, celui de protéger la religion catholique ; il devient parjure. Le message de la gravure anticipe les appels de la Ligue à destituer le roi, voire à le faire assassiner.
Henri III montre à la duchesse de Nemours, les cadavres de ses fils assassinés.
La gravure met en scène Anne d'Este, la mère des deux princes assassinés.
Anne est une grande dame de la cour et un membre de la famille royale. Par sa mère, elle est la petite-fille du roi Louis XII. Henri III est son cousin germain.
Anne est surtout connue pour être l'épouse et la mère des ducs de Guise. Elle est la veuve éplorée de François de Guise, le chef charismatique des catholiques, assassiné par un protestant pendant la première guerre de religion. L'auteur de la gravure utilise son image de victime pour apitoyer son public. La tragédie est d'autant plus importante pour Anne que le meurtre se déroule dans le château de son grand-père. Avant qu'il ne devienne château royal, le château de Blois était la demeure personnelle de Louis d'Orléans, futur Louis XII.
Sur l'image, le roi lève la main pour signifier sa mise en arrestation. Anne sera effectivement assignée à résidence après l'assassinat de ses fils 7. Incarcérée dans un premier temps à Amboise, elle sera finalement relâchée deux mois plus tard. Elle rejoindra alors Paris où elle animera la résistance contre le roi avec les autres membres de sa famille.
Dans le fond, à droite, les gardes emmènent les autres chefs de la Ligue. A gauche, les gardes préparent le feu de cheminée pour brûler les corps.
Le roi montre les cadavres aux chefs de la Ligue
La gravure met en scène trois des principaux chefs de la Ligue arrêtés par le roi. L'assassinat des princes lorrains fut suivi de plusieurs arrestations politiques.
En tête est représenté le vieux cardinal de Bourbon. Charles de Bourbon est le premier prince du sang catholique. Premier dans l'ordre de succession, il est l'héritier du roi imposé par la Ligue (par l'exclusion des princes protestants). A la mort d'Henri III, Charles de Bourbon, quoique toujours séquestré, sera reconnu roi par les ligueurs sous le nom de Charles X.
A ses côtés se trouve l'archevêque de Lyon, Pierre d'Epinac qui est l'une des têtes pensantes de la Ligue. C'est de sa main qu'aurait été rédigé le programme d'action politique retrouvé sur le corps du duc de Guise après son assassinat 8.
Le troisième prince est un jeune homme de 17 ans. C'est le prince de Joinville, le fils du duc assassiné. Il est le nouveau duc de Guise.
Comme dans la gravure précédente, le roi est montré en train de présenter les cadavres, ici décapités, des deux lorrains. Sa cruauté est inspirée par le duc d'Epernon, représenté en diable tenant un soufflet.
L'image est fictive, sans réalité historique. Un roi n'a pas rencontré ceux qu'il a fait arrêter, pas plus qu'il n'a participé à une quelconque exhibition macabre.
Le roi ordonne de brûler les restes du duc de Guise et du cardinal de Lorraine
L'exécution des deux princes lorrains a suscité une immense émotion dans le royaume. Considérés comme martyrs de la foi catholique, ils ont aussitôt fait l'objet d'une vénération populaire.
Si le roi ordonne de brûler leurs corps, c'est pour éviter que la Ligue ne les récupère pour en faire des reliques. L'année précédente, la soeur des Guise Catherine-Marie duchesse de Montpensier, avait lancé une grande campagne de propagande en faveur de sa cousine Marie Stuart que la reine d'Angleterre avait fait exécuter. La duchesse de Montpensier avait encouragé l'organisation de manifestations dans les rues de Paris pour commémorer à grand renfort d'images, la mort de la reine d'Écosse et la faire reconnaître comme martyre catholique.
L'image est une mise en scène dramatique qui ne correspond pas à la réalité. Henri III n'a pas assisté à la mise en pièce macabre des princes de Guise. Or ici, le roi supervise en personne et en grande dignité, au dépeçage des corps et à leur destruction. Bien que le roi ne soit pas représenté de façon caricaturale, l'image contribue à sa diabolisation. Cette décision de faire brûler les corps est aussi sacrilège que le meurtre en lui-même, car la crémation est contraire à la foi chrétienne.
Henri III est entouré d'un courtisan et d'un homme de loi, censés représenter les "mauvais" conseillers. L'entourage du roi est autant dénoncé que celui-ci. A travers lui, sont visés les intrigants parvenus et arrivistes, mais aussi les politiques, ces hommes de raison prêts à accepter que l'État fasse des compromis avec l'ennemi (les protestants) pour favoriser la paix et le bien du royaume.
Notes
1. Il a été proposé d'identifier cette figure au cardinal de Granvelle (Fêtes et Crimes à la Renaissance..., 2010, p. 111).
2. Il pourrait encore s'agit du duc Charles III de Lorraine ou du duc Jacques de Savoie-Nemours (mais ces derniers sont plus âgés et le duc de Lorraine, en tant que souverain ne pouvait être relégué au dernier plan).
3. Frédéric HUEBER, Antoine Caron, peintre de ville, peintre de cour (1521-1599), Presses universitaires François Rabelais, 2018, p. 279
4. Livre armorial des escriptz et blasons des armes des chevalliers commandeurs de l'Ordre et milice du Sainct-Esprit, institué... le dernier jour de décembre 1578, par Martin COURTIGIER, sieur de la Fontaine, hérault d'armes de Sa Majesté
5. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), L'art de la fête à la cour de Valois [exposition, château de Fontainebleau, 2022], Fine éditions d’art, 2020, p. 272
6. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), op. cit., p. 263-264
7. Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu : l'assassinat d'Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2006, p. 174.
8. Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu : l'assassinat d'Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2006, p. 158.
Article initialement publié en fév. 2021